Vitrine des Emirats arabes unis (EAU), depuis le début des années 2000, Dubai ne peut plus payer ses créanciers. La dette se monte à 80, voire 90 milliards de dollars, selon certains analystes financiers. Touché de plein fouet par la crise financière, l'émirat de Dubai a demandé mercredi de surseoir de six mois au paiement de la dette arrivée à maturité du géant immobilier Nakheel, relevant de Dubai World. Cette dernière possède des participations dans le groupe de casino de Las Vegas, MGM Mirage, dans la banque britannique Standard Chartered ou encore le distributeur de produits de luxe Barneys New York. Au total, le holding est propriétaire d'actifs valant près de 100 milliards de dollars. A l'issu de la signature d'un moratoire, l'émirat devra rembourser 50 milliards dans les trois ans. Le développement de cet émirat a été basé sur le commerce maritime (4e port du monde), l'immobilier, les services financiers, le tourisme (compagnie aérienne Emirates) et les loisirs, le tout dans le désert. Mais la chute brutale des prix du pétrole a paralysé l'économie de Dubai et la réalité de la crise financière internationale l'a rattrapée de plein fouet pour que, finalement, le rêve de Dubai s'effondre définitivement comme un château de cartes. Les prix de l'immobilier, qui ont fortement augmenté pendant les six années du boom de Dubai, ont chuté de 30% ou plus sur les deux ou trois derniers mois. Des dizaines de milliers de personnes sont parties et une multitude de grands projets de construction ont été suspendus ou annulés. La prospérité de Dubai et la notoriété qu'il s'est construite au fil des années est désormais sur le point de prendre fin. Plombé par des investissements immobiliers hasardeux, cet émirat s'enfonce dans le marasme. Fin février 2009, malgré l'émission de bonds du Trésor de 20 milliards de dollars pour refinancer sa dette, l'ombre d'une faillite généralisée s'est rapproché dans ce petit émirat qui a forgé son image sur le luxe exorbitant et les gratte-ciels exotiques. L'on avance que 55% des projets de construction, d'un montant de 582 milliards de dollars, ont été gelés depuis le début de l'année. Au moment où des menaces pèsent sur les actifs de la plupart des banques, le PIB de Dubai s'établira sous les 2,5% (près de 9% estimé en 2008), signifiant que l'émirat sera incapable de stimuler les dépenses publiques. Des économistes ont avancé que la dette de Dubai atteignait 47 milliards de dollars, soit 103% de son PIB, auxquels s'ajouteraient 70 milliards de dollars de dettes dans les comptes des sociétés contrôlées par l'émirat. A titre d'exemple, le géant de l'immobilier de Dubai Emaar avait annoncé, dans un communiqué en juillet, des pertes de 350 millions de dollars au deuxième trimestre 2009. Emaar, à l'instar d'autres groupes émiratis, a abandonné ses projets dans les pays du Maghreb. La panique gagne le monde entier Au lendemain de la demande de Dubai aux créanciers de son conglomérat Dubai World un moratoire de six mois pour rembourser une dette de 59 milliards de dollars, la panique a gagné tous marchés financiers qui ont accusé une baisse. Les prix du pétrole ont également dégringolé, enregistrant vendredi une baisse de plus de 5% à l'ouverture des échanges à New York. Les cours de l'énergie sont particulièrement sensibles à la situation économique des pays émergents, moteurs de la consommation d'énergie depuis plusieurs années. Au moment où les bourses asiatiques poursuivaient leur repli vendredi, les Bourses européennes, qui ont chuté de 3% la veille, se sont reprises sur un marché rassuré par l'exposition limitée des banques européennes à la crise financière de Dubai. Les valeurs bancaires durement touchées jeudi ont rebondi, à l'image de BNP Paribas, l'établissement français le plus exposé aux difficultés financières de Dubai (+2,10% à 55,14 euros). Pour sa part, Société Générale a gagné 1,93% à 46,50 euros. Mais les investisseurs restaient prudents : «Nous aurons probablement une image plus exacte la semaine prochaine», observent des analystes. La demande du rééchelonnement de la dette de Dubai World a suscité des craintes sur un possible surendettement de l'Etat de Dubai, capitale économique des Emirats. «La dernière chose que l'on souhaiterait voir est un effet domino», s'alarme la banque d'investissement EFG Hermes, qui redoute des reports de paiement de dettes d'autres firmes, notamment dans les pays émergents. Les problèmes financiers de Dubai pourraient coûter cher aux banques européennes. Les banques européennes pourraient perdre 40 milliards de dollars en cas de faillite de l'émirat de Dubai, selon les analystes de Crédit Suisse. Cette exposition devrait entraîner une hausse de 5% des provisions pour risques de l'ensemble du secteur en 2010 et coûter 5 milliards d'euros de bénéfices l'an prochain. Réagissant à l'annonce, l'agence de notation financière Moody's a revu à la baisse la notation de six importantes compagnies liées au gouvernement de Dubai telles que DP World, relevant de Dubai World, la compagnie d'électricité et d'eau (Dubai Electricity and Water Authority), ainsi que le géant immobilier Emaar Properties. Les craintes apaisées Les craintes ont été apaisées après que les banques aient dévoilé des estimations de leur exposition au risque de faillite de la société d'investissement Dubai World. Les dirigeants de Dubai ont multiplié les déclarations rassurantes. Selon eux, la demande de rééchelonnement des remboursements d'emprunt de Dubai World était «planifiée». Pour le cheikh Ahmed Ben Saïd Al Maktoum, président de la compagnie aérienne Emirates, la ville reste très attractive pour les investisseurs. L'émirat, qui s'est lancé depuis quelques années dans des projets pharaoniques, a tenté de rassurer les marchés en précisant que l'entreprise bénéficiaire DP World, qui exploite 49 ports dans le monde, ne serait pas incluse dans la restructuration. Auparavant, le souverain de Dubai, cheikh Mohammad Ben Rached Al Maktoum, également Premier ministre des Emirats, avait assuré que l'émirat allait poursuivre ses ambitieux projets de développement et qu'il honorerait ses dettes dans un proche avenir. L'économie de Dubai est «durable» conjuguée à une «large assise», a-t-il avancé. «La croissance sans précédent, à Dubai et à travers les Emirats, au cours de la dernière décennie, a contribué à mettre en place les fondements de ce qui est aujourd'hui une économie durable, disposant d'une large assise et allant au-delà (de l'exploitation) des simples ressources naturelles», a-t-il déclaré, poursuivant que «les fondamentaux économiques, tels que nos infrastructures hautement développées, notre solide réseau de transport et de communications et notre centre financier régional, permettront à Dubai de rester une place régionale attractive». La dette totale de Dubai était estimée à 80 milliards de dollars en 2008 et devrait régler 13 milliards de dollars de dettes en 2010 et 19,5 milliards en 2011. Dubai semble à l'abri de la faillite, derrière son «frère» protecteur : Abou Dhabi, pensent les économistes. Abou Dhabi à la rescousse «Jamais Abou Dhabi ne laissera tomber le fils prodigue», estime un analyste appuyé par un autre qui a soutenu qu'«un effondrement de Dubai affecterait Abou Dhabi». Dubai devrait éviter la faillite grâce au soutien de son riche voisin, l'émirat pétrolier d'Abou Dhabi. Cependant, estiment les analystes, il sortira de la crise durablement affaibli de l'épreuve. L'émirat, qui s'est lancé depuis quelques années dans des projets pharaoniques, se retrouve finalement lourdement endetté. L'on espère un regain de solvabilité financière en échange d'une solution qui forcera Dubai à renoncer à une partie de ses avoirs en faveur d'Abou Dhabi. «Dubai pourra sortir de la crise d'ici deux ans, cependant le contrôle de ses ressources sera partiellement partagé avec Abou Dhabi», pensent des analystes. En 2008, l'émirat avait attiré à lui seul pour 21 milliards de dollars d'investissements étrangers.