S'agit-il d'une crise financière « en double creux » ? Alors que les institutions monétaires internationales prédisent une sortie de crise au second semestre 2010, la planète financière vient d'être frappée par un nouveau séisme dont l'épicentre est localisé, cette fois-ci, à Dubaï, aux Emirats arabes unis (EAU). Le richissime émirat de Dubaï, qui abrite les fous de l'immobilier et des extrêmes, a pris le monde par surprise en demandant, mercredi dernier, un moratoire de six mois sur la dette de Dubai World, le fleuron de son économie. La dette du conglomérat est estimée à 59 milliards de dollars sur 80 milliards de dollars de dette publique de l'émirat. Nakheel, filiale immobilière de Dubai World, a une dette de 3,5 milliards de dollars qui arrive à maturation le 14 décembre. Dubai World, détenue intégralement par le gouvernement de Dubaï, est l'une des plus importantes sociétés aux EAU. Le groupe émirati comprend environ 50 entités publiques comme Dubai Ports World qui gère les ports d'Alger et de Djendjen (Jijel). Dubai Ports World est le quatrième plus grand opérateur portuaire au monde, alors que la filiale de l'immobilier Nakheel du groupe Dubai World est considérée comme le plus grand promoteur immobilier dans les EAU. La crise financière de Dubaï est née, en partie, d'un secteur immobilier en forte croissance. L'expansion massive des opérations de Dubai World, en particulier de ses deux filiales Nakheel et Istithmar, qui investissaient pleinement et de manière massive dans la formule emprunt-bâtiment, a vu ses dettes atteindre les 59 milliards de dollars. Jusqu'ici, les choses semblent s'enchaîner logiquement pour le grand investisseur émirati Dubai World. Cependant, la crise financière mondiale avait déclenché un exode massif de liquidités des EAU, ce qui a été d'un effet pervers sur le marché immobilier local, considéré comme le principal moteur de la croissance économique de Dubaï. Les transactions immobilières s'étaient presque arrêtées, mettant la pression sur les prix qui ont connu un effondrement sans précédent. Brusquement, la dette de 59 milliards de dollars est devenue un fardeau insoutenable pour Dubai World. Ainsi, le géant émirati, qui n'avait pas plusieurs cordes à son arc, a affiché subito presto l'intention de demander à ses créanciers et à ceux de sa filiale Nakheel de demander un moratoire de six mois sur sa dette, c'est-à-dire jusqu'au 30 mai 2010. 80 milliards de dollars de dettes La nouvelle s'était propagée comme une traînée de poudre, déclenchant une panique sans précédent sur certains marchés financiers. La crise venait de surgir au moment où l'émirat de Dubaï, fortement orienté vers le secteur de l'immobilier, pansait encore ses blessures engendrées par la crise financière internationale née elle aussi de l'affaire des crédits hypothécaires (subprimes). La filiale de l'immobilier Nakheel de Dubai World connaît ses pires moments, alors que la valeur de son portefeuille, à son apogée, avait dépassé les 80 milliards de dollars l'année dernière, assez lucratif pour les prêteurs se bousculant pour financer ses projets. Toutefois, l'incapacité de Nakheel et de Dubai World à honorer à temps une partie de leur dette auprès des créanciers a annoncé une sérieuse tempête sur les marchés financiers internationaux. Ce fait témoigne aussi d'un brutal revers d'un émirat dont les ambitions semblaient sans limite. La crise de Dubai World révèle aussi la fragilité continue de la finance internationale, dont les projets de régulation semblent, eux aussi, construits sur du sable telles les îles artificielles de Nakheel. Dubai World, qui s'est avéré être, au bout du compte, un colosse aux pieds d'argile, devra affronter les pires moments de son existence. Pendant ces dernières années ayant marqué l'essor du marché immobilier à Dubaï, le gouvernement de cet émirat et ses entreprises ont contracté 80 milliards de dollars de dettes sous forme d'obligations. Même si le chiffre paraît phénoménal pour ce petit émirat, les dettes sont insignifiantes face aux passifs lourds de la banque américaine Lehman Brothers qui sont de 613 milliards de dollars. Ainsi, il est vrai que Dubaï est un grand promoteur immobilier, mais il n'est qu'un acteur financier mineur sur les marchés internationaux. Il se trouve néanmoins que ce petit caillou dans le Golfe a provoqué de grosses vagues sur les Bourses mondiales. Alors que le gouvernement de Dubaï tend à mettre en place un plan de restructuration pour Dubai World, le concours de l'émirat d'Abu Dhabi, gérant des réserves pétrolières, s'avère indispensable. Les dettes de L'Emirate tirent le pétrole et les bourses vers le bas : Le secteur financier du Golfe, déjà affecté par les défauts de paiement de deux groupes saoudiens et de firmes d'investissement du Koweït, s'oriente vers plus de difficultés avec la dette de Dubaï. La crise financière, issue de l'affaire des dettes non honorées par Dubai World, a provoqué une sérieuse crispation des marchés financiers et pétroliers. Les cours du pétrole ont enregistré, vendredi dernier, une baisse de plus de 5% à l'ouverture des échanges à New York, en raison des difficultés financières de l'émirat de Dubaï sur la reprise économique. Sur le marché new-yorkais, le baril de light sweet crude pour livraison en janvier s'échangeait à 73,71 dollars, en baisse de 4,25 dollars par rapport à la clôture de mercredi. Il a touché dans les échanges électroniques précédant la séance 72,39 dollars, son plus bas niveau depuis début octobre. L'annonce, mercredi soir, par l'émirat de Dubaï de son intention de demander aux créanciers de son conglomérat Dubai World de surseoir de six mois au paiement de la dette, arrivée à maturité, a entraîné une chute importante des bourses mondiales. Les banques du Golfe sont les plus exposées aux risques de la crise. Celles-ci avaient été contraintes de s'approvisionner après les défauts de paiement de firmes d'investissement du Koweït, incapables de régler des montants de quelque 10 milliards de dollars. Elles étaient déjà exposées à des défauts de paiement de 22 milliards de dollars des groupes d'affaires saoudiens Saad et Al Gossaibi. L'onde de choc de la crise a atteint les bourses asiatiques, lesquelles ont terminé en forte chute, vendredi dernier, alors qu'une légère baisse est constatée sur les places européennes. La chute des marchés asiatiques est liée aux appréhensions sur la solvabilité de l'émirat de Dubaï. Le risque de faillite de Dubaï a alimenté une crise de confiance alors que ressurgissent les craintes sur les excès de dette publique. Après la demande de moratoire de Dubaï, les agences de notation Standard & Poor's et Moody's ont abaissé leurs notations de tous les grands groupes de Dubaï. Par ailleurs, les places européennes affichaient toutes une légère baisse au lendemain d'une forte dégringolade suite à l'information sur les difficultés financières de Dubaï. Selon Standard and Poor's, le gouvernement de Dubaï et ses compagnies doivent régler environ 50 milliards de dettes sur les trois années à venir.