Les épiceries et autres boutiques d'alimentation générale de la ville des Genêts présentent des produits faits maison, de la galette appelée communément aghrum u dhadjin, la galette à l'huile d'olive appelée également aghrum aquran, lemsemen, lekhfaf, ichebadhen et autres. Ces produits traditionnels qui garnissent les étals de ces épiceries, parfois même des boulangeries, sont affichés à des prix abordables, 25 DA la galette, 50 DA pour une pièce de lemsemen, 25 pour lekhfaf. Il y a même des boutiques gérées par des jeunes filles qui se sont spécialisées dans ce créneau, tant ce commerce est rentable et juteux. Ces produits de moindre coût ne demandent pas d'autres matières que la semoule et l'huile d'olive, un savoir-faire et une patience de fer. Tout le monde trouve son compte dans ce commerce qui fait florès dans cette ville qui s'attache tant bien que mal à ses traditions. Il faut dire que tout le monde raffole de ces produits bio qui charrient tout un pan de notre culture, et les saveurs d'antan restent toujours les meilleures. Si au niveau des villages, ces mets sont toujours présents, ce n'est pas le cas dans le milieu urbain, où ce savoir-faire commence à se perdre chez la nouvelle génération qui ne s'y intéresse guère. Sabrina, une jeune universitaire, nous avoue sa préférence pour ces mets, spécialement lemsemen et lekhfaf pour accompagner le petit-déjeuner, mais elle avoue aussi ne pas pouvoir les confectionner elle-même. Pour Mme Nacira, ce n'est pas une question de savoir-faire mais plutôt de temps. Elle nous dit préférer les payer pour faire plaisir à son mari et à ses enfants et consacrer son week-end au repos plutôt que de le passer dans la cuisine. En plus, ajoute-t-elle, ces produits sont préparés par des mères de famille qui sont sûrement propres, ce qui n'est toujours pas le cas des produits industriels. Il faut dire que les mères de famille qui travaillent trouvent difficilement du temps pour s'acquitter de leur devoir d'épouse et de mère de famille dans notre société. Pour sa part, Djamel, un père de famille, nous dit préférer ces produits aux gâteaux qui sont souvent trop sucrés, c'est d'une part pour préserver sa santé et d'autre part c'est pour se faire plaisir, tant ces produits du terroir lui rappellent son enfance. Un gagne-pain pour les femmes au foyer Ce commerce qui prend de l'ampleur au point d'atteindre les villages les plus reculés de Kabylie où, jadis, n'importe quelle jeune fille n'est considérée comme femme accomplie que si elle maîtrisait parfaitement la confection de ces mets que la femme kabyle se doit de connaître. Même dans les villages ces produits se vendent comme des petits pains. Un gérant d'un magasin sis au centre-ville nous dit que ces produits sont épuisés avant la fin de la journée. C'est pour cela qu'ils sont toujours frais malgré qu'ils ne contiennent pas d'agents conservateurs, ce qui les rend aussi diététiques. Au sujet des «maîtres d'œuvre», on apprend que ce sont les femmes au foyer, chacune avec sa spécialité : la galette, lemsemen, lekhfaf, qui font tourner ce commerce. C'est de cette manière qu'elles gagnent leur vie. Il y en a même parmi elles celles qui sont instruites, et à cause du chômage elles ont fini par comprendre qu'il vaut mieux exploiter ces atouts que d'attendre un poste de travail qui ne viendra peut-être jamais, et c'est parfois plus rentable. C'est le cas notamment de Mme Naïma qui préfère confectionner des gâteaux secs à la maison et de les vendre pour une pâtisserie pour s'occuper du mieux qu'elle peut de ses trois enfants, bien qu'elle soit titulaire d'un diplôme universitaire en biologie.