Mais voilà que le mois sacré de Ramadhan bouscule, presque de fond en comble, les habitudes alimentaires et culinaires. Si l'art culinaire typiquement berbère reflétait même une façon d'être, une manière de vivre et constitue une tradition en particulier, à certaines occasions, comme durant les fêtes religieuses ainsi que durant le mois de Ramadhan, les choses ont véritablement changé. A l'origine, la cuisine kabyle est une cuisine rurale qui puise sa richesse dans la diversité de la région et des spécificités locales. Les plats essentiels sont généralement réalisés à base de semoule et autres herbes, le tout assaisonné à l'huile d'olive. Bien que dans certaines régions, l'arrivée du mois sacré devait être honorée par la préparation d'un mets spécial, qu'on appelle communément imenssi n'ramdhan, généralement un couscous à base de légumes et de viande, dans d'autres, on tend à l'ignorer. Aujourd'hui, de nombreux mets traditionnels ont tout simplement disparu de la table et été remplacés par d'autres. Les ménagères font tout leur possible pour rendre la table du f'tour la plus appétissante possible. Inutile de chercher du berkoukès, tahadourt, acharid, de la galette préparée à la maison, souvent appelée aghroum u dhadjin ou aghroum oulakhssi selon les régions, sous ses différentes formes et qualités, et qu'on s'affairait dès l'aube à préparer avec de la semoule qui doit être pétrie, laissée à lever avant d'être cuite dans une sorte de four spécial pour la cuisson du pain qu'on appelle elkoucha ou encore une autre galette fine qui ne nécessite pas de levain, appelée aghroum amehri et aghroum aquran ou le pain dur, fait à base de semoule moyenne, souvent de blé, et d'huile d'olive cuite sur le tadjine. Ces dernières décennies, la tendance est autre : on parle beaucoup plus de l'indispensable chorba frik, pour rompre le jeûne, de veau aux olives, de dolma, de kebab et autres avant de faire une salade variée. Des mets algérois, constantinois et d'ailleurs s'incrustent dans notre quotidien à la faveur de ce mois. Même les feuilles de dioul, elles aussi, sont devenues d'inévitables amies. Ces dernières disparaîtront des étals dès l'Aïd et personne n'entendra plus parler de bourek jusqu'à l'année prochaine. C ôté pâtisserie, en dehors de la traditionnelle et incontournable «zlabia de Boufarik», d'autres produits aussi chers les uns que les autres garnissent les tables au même titre que les brioches auxquelles le safran donne un attrait particulier ou des pièces de kelb ellouz «mehchi». En plus de la cuisine orientale, c'est aussi la cuisine française qui surclasse la cuisine kabyle. Fait inimaginable il y a juste quelques années, il existe de nombreuses femmes qui ne sont pas capables de rouler le couscous ou encore préparer une galette. Aujourd'hui, une table de f'tour en Kabylie est semblable à celle de n'importe quelle autre région du pays.