Les efforts du gouvernement pour redonner à la Petite et moyenne entreprise (PME) la place qu'elle mérite dans le tissu économique national, ne semblent pas satisfaire pleinement le forum des chefs d'entreprises. Les 120 responsables et gérants d'unités économiques de la régionest du pays, qui étaient en conclave, jeudi dans l'enceinte de l'hôtel Sabride Annaba, ont été nombreux à dire leur amertume devant la réalité du terrain. Certains ont affirmé que beaucoup d'entreprises ont été fermées alors que les importations ont dépassé les 40 milliards de dollars US. Selon ces chefs d'entreprise qui se disent déçus notamment par le manque, voire l'absence d'initiative de la part des banques chargées logiquement d'appliquer les décisions du gouvernement, lesdites entreprises ont été contraintes de déposer leur bilan. Cette relation biaisée serait à l'origine, expliquent les intervenants, de la perte de milliers d'emplois en Algérie pour financer ceux créés dans d'autres pays. Il n'empêche, renchérissent d'autres, que le niveau de financement de l'économie, qui est estimé à 20 000 milliards de dinars, est des plus satisfaisants, ceci malgré le fait que le secteur privé ne bénéficie pour sa part de cette manne qu'à hauteur de 52% alors qu'il participe pour 75% à la création des richesses du pays. Dans leur majorité, les participants à la rencontre régionale de Annaba ont focalisé leur intervention sur l'ampleur prise par le marché informel dans la vie économique du pays, révélant que 700 marchés informels ont été recensés, ce qui entraverait le développement de la PME ainsi soumise à une concurrence déloyale. Bien plus grave pour les promoteurs, les entreprises régulièrement enregistrées se trouvent parfois dans l'obligation de s'aligner sur le système des prix de l'informel alors que les deux sphères ne sont pas astreintes aux mêmes contraintes, s'agissant des charges fiscales et parafiscales ainsi que les cotisations sociales. La LFC «inopportune»est contraignante L'objet principal de ce forum étant de débattre des problèmes et des contraintes liés à l'entreprise, son environnement et son évolution, l'assistance a été amenée à évoquer de nouveau la loi de finances complémentaire pour relever «son caractère inopportun, inefficace et très contraignant pour la PME algérienne déjà en difficulté et confrontée à des situations auxquelles elle n'a pas été préparée». Rédha Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprises, rappellera que la LFC est venue corriger une situation avec pour objectif la protection de l'économie nationale mais que cette loi n'a jamais fait l'objet de concertation ni de consultation avec le FCE. «Cette loi promulguée par ordonnance nous l'avons pour ainsi dire reçue en pleine figure, des mesures inopportunes et inappropriées et très contraignantes pour les chefs d'entreprises», regrettera M. Hamiani. Revenant sur le problème des transferts en devises qu'il a situé à hauteur de 50% pour les sociétés étrangères implantées en Algérie, le patron des patrons affirmera qu'ils ont atteint les 58 milliards de dollars alors que les recettes pétrolières sont passées de 80 milliards de dollars en 2007 à 40 milliards de dollars en 2008, conséquence de la crise financière mondiale. «Cette situation a amené le gouvernement à apporter certains correctifs, surtout qu'on s'expose au risque de ne plus être en mesure d'honorer ces transferts au cas où la conjoncture venait à se prolonger.» M. Hamiani expliquera que les mesures et dispositions contenues dans le texte de loi sont aussi contraignantes qu'inappropriées, en particulier pour la PME locale, laquelle ne peut s'y conformer sans remettre en question sa propre existence. Les contraintes de la lettre de crédit Abordant l'aspect contraignant de la nouvelle réglementation, il dira : «En dehors du fait que le chef d'entreprise est tenu de suivre et de conduire lui-même le dossier d'importation (port, aéroports ou frontières terrestres) ce qui a été tout de suite corrigé par le gouvernement, c'est la mise en place de l'instrument de paiement unique qui est la lettre de crédit aux lieu et place de la remise documentaire ou du transfert libre. «La lettre de crédit est à l'avantage exclusif du fournisseur et préserve ses intérêts par l'intermédiaire d'une banque étrangère qui confirme le bon déroulement de la transaction moyennant une commission de l'ordre de 1 à 3%.» Cela coûte de l'argent en plus du fait que la lettre de crédit est irrévocable même si l'acheteur se ravise, outre la mobilisation de l'argent pendant 2 à 3 mois, le temps que l'opération soit effectuée. Ceci nous amène à demander au gouvernement de nous accorder des dérogations ou à tout le moins trancher entre les importateurs qui achètent et vendent en l'état et les entreprises de production qui, pour leurs besoins en composants, pièces indispensables ou facteurs essentiels de production, sont confrontées à ce type de problèmes», proposera-t-il. Et de solliciter une démarche qui faciliterait l'acquisition de ces moyens aux entreprises dont les montants sont modestes et ne nécessitent que la mise en œuvre partielle du dispositif. Faisant une rétrospective des investissements étrangers en Algérie durant la dernière décennie, il soulignera le fait que ces investissements n'ont pas eu les effets structurants que le pays attendait. «Les IDE n'ont pas donné lieu au développement et à la croissance que nous espérions. Ce ne sont que des investissements de rente, qui ont touché essentiellement les secteurs de la banque, de l'immobilier et des services. Comme chacun a pu le constater, il n'y a pas eu de manufactures de production ni de transferts technologiques et encore moins de créations d'emplois de la part des investisseurs étrangers», dénoncera le président du forum en regrettant que pendant ces dix années les entreprises privées locales n'ont cessé de se débattre dans des problèmes de mise à niveau, d'environnement et de concurrence déloyale.