Au vu des déclarations de hauts responsables en Egypte ces dernières 24 heures, dont celle du raïs Moubarak qui vient, en effet, de sommer les responsables des médias de son pays de mettre de l'eau dans leur breuvage lorsqu'il s'agit d'évoquer les liens avec l'Algérie, qu'il a même qualifiés d'«historiques» et qu'il «nous faut préserver», a-t-il dit. Et pour ne pas se déjuger complètement devant son opinion publique, Moubarak a rappelé qu'il avait suivi avec «grand regret» ce qu'il a appelé «les événements» survenus après le match entre les Verts et les Pharaons. Le raïs a été rejoint dans cette «sagesse» attendue par son ministre des Affaires juridiques et des Assemblées parlementaires, Moufid Chihab, pour qui les relations algéro-égyptiennes sont «plus fortes» et «plus durables que les actes sauvages commis par un groupe d'anarchistes qui se sont écartés des valeurs du sport». A ses yeux, «ces personnes n'ont pas évalué à leur juste valeur la profondeur et la solidité des relations historiques militantes entre les deux peuples et les intérêts mutuels qui les unissent». Le ministre a pris soin, pour la première fois venant d'un officiel, de reconnaître que ses compatriotes ont commis une erreur en s'attaquant au bus des joueurs algériens à leur arrivée au Caire, le 12 novembre. Cette reconnaissance a été cependant noyée dans une somme d'envolées lyriques sur le rôle «avant-gardiste» de son pays dans le monde arabo-musulman, qui renseignent sur cette propension des Egyptiens à se mettre en valeur, même s'ils sont à l'amende. Le ministre, qui n'appartient pas au même parti politique que Moubarak, a pris aussi le soin de tomber sur «le public algérien chauvin», qui s'est déplacé à Khartoum, mais a défendu les intérêts mutuels entre les deux pays pour atténuer ses accusations et ne pas blesser Alger, comme l'ont fait ses collègues et les médias de son pays des jours durant, avant de se ressaisir. Les responsables du sport égyptien montrés du doigt Ce ministre a aussi accusé les responsables du sport égyptien de n'avoir pas été à la hauteur pour faire qualifier l'Egypte au Mondial. C'est là une première venant d'un officiel. Pour lui, l'erreur commise contre les joueurs algériens ne justifiait nullement «les agressions» contre les supporters égyptiens au Soudan. Il faut dire que les officiels égyptiens continuent de croire la version fomentée par leurs médias et leurs artistes sur ce sujet, bien que tout le monde, y compris les Soudanais et les journalistes non égyptiens, n'aient pas vu des «agressions», créées de toute pièce par les mauvais perdants. Cela dit, ce virage à 180 degrés opéré par les officiels sur le bord du Nil a une explication. Malgré toutes les misères encaissées par les Algériens, qui ont été insultés à tort, sur leur histoire, leur appartenance au monde arabe, malgré l'atteinte au drapeau national par des avocaillons sans honneur, les responsables algériens n'ont pas tenu rigueur par rapport à ces dépassements volontaires. Les rapports bilatéraux révisés à la faveur de la création de Selene Petroleum Il a suffi que le ministre algérien de l'Energie se déplace au Caire et propose la création d'une entreprise pétrolière mixte algéro-égyptienne, pour que l'on révise tout quant aux rapports bilatéraux. Les officiels égyptiens, en adhérant à la proposition algérienne de mettre en place cette société mixte au nom symbolique de Selene Petroleum (Selene étant l'épouse du roi Juba II et la fille de Cléopâtre), reconnaissent implicitement que l'Algérie a une histoire plusieurs fois millénaire qui l'a lie à leur pays. Il faut rappeler que leur ministre de la Culture a été soutenu dans sa candidature malheureuse au poste de directeur général de l'Unesco par l'Algérie, qui a sacrifié un candidat libre, algérien, pour lui. Dans ces mêmes colonnes, ce ministre a été défendu lorsqu'il a été pris à partie par le lobby sioniste pour l'empêcher d'accéder à ce poste. Pourtant, il a été d'une ingratitude telle, qu'il a décidé récemment, en pleine crise avec Alger, de renvoyer d'Alexandrie les travaux de plasticiens algériens devant prendre part à une exposition internationale dans cette ville méditerranéenne. Dans leur aveuglement, les officiels égyptiens ont pris la résolution unilatérale de boycotter toutes les relations sportives avec l'Algérie, et à cet égard ils ont décidé de ne pas organiser chez eux la CAN de handball, prévue en février 2010, avant de revenir, in extremis, sur leur décision, certainement apeurés par les sanctions encourues, mais aussi par les pertes financières liées à la tenue de cet événement sportif continental. Même une partie de leur presse, qui continue d'évoquer la crise, commence à revenir à de meilleurs sentiments. D'habitude pourfendeur de l'Algérie, un chroniqueur cairote s'est épanché cette fois-ci sur les propos amènes prononcés par le président du parlement égyptien, pour qui son pays n'a pas coupé ses relations politiques avec Alger, et ne va pas le faire à cause d'un match de football. Le chroniqueur n'a pas tari d'éloges sur ces relations bilatérales, en pensant surtout aux intérêts financiers récoltés par son pays en Algérie. Nous saluons ces propos ici, mais nous n'oublions pas les dépassements commis contre nos valeurs et nos constantes. L'Egypte et le gaz algérien L'Egypte reste un client important de l'Algérie qui lui fournit un million de tonnes de gaz de pétrole liquéfié (GPL), selon l'APS, et notre pays n'a pas l'intention de couper les vannes à ce pays, même si la quantité de gaz achetée ne représente rien par rapport à ce que nous vendons à d'autres clients autrement plus intéressants. Les ressortissants égyptiens vivant et travaillant en Algérie, qui sont rentrés chez eux après la colère des Algériens, demandent à revenir, sachant qu'ils n'ont rien à craindre. Ce sont plutôt les ressortissants algériens vivant et étudiant en Egypte qui ont subi des torts gratuits, rien que parce qu'ils sont algériens. Pourquoi les officiels égyptiens ne rassurent-ils pas ces étudiants, comme les nôtres l'ont fait pour les leurs ? Est-ce parce qu'ils sont toujours guidés par cette folie des grandeurs qui les habite, ou alors du fait que les agences touristiques algériennes ont décidé de ne plus travailler avec l'Egypte, qui perd ainsi un beau pactole annuel rapporté par les touristes algériens ? Aujourd'hui, il faut reconnaître qu'un ressort s'est cassé entre Alger et Le Caire et ce n'est guère la faute aux Algériens. Les dérapages des médias cairotes et cette propension des dirigeants à ne pas accepter leur défaite face à l'Algérie sont pour beaucoup dans cet état de fait, en réalité préjudiciable à leur pays. Et cette décision de Moubarak d'appeler les médias à cesser leur campagne antialgérienne est un premier pas dans la bonne direction.