La Colombie, premier producteur mondial de cocaïne, va demander à Copenhague une compensation pour les dégâts liés à la consommation de cette drogue, dont chaque gramme consommé dans les pays riches détruit, selon Bogota, quatre mètres carrés de ses forêts. Le président Alvaro Uribe, qui participe à partir d'hier au sommet sur le climat, a l'intention de dire aux pays riches qu'ils ont avec la Colombie «une co-responsabilité» face à la destruction de l'environnement par les trafiquants de drogue qui desservent ces pays. «La jungle de Colombie, qui est coupée pour y semer des plantations illicites, appartient à cette planète. Dans nos jungles pourrait être caché le remède pour la maladie d'Alzheimer, le cancer de la peau», a déclaré dans un message écrit le vice-président colombien Francisco Santos. «C'est pour cela que le gouvernement colombien s'est engagé à préserver ses ressources naturelles et demande le soutien de la communauté internationale pour lutter contre la production et la consommation de drogue, une lutte qui sert aussi à préserver l'environnement», a-t-il ajouté. Le président colombien devrait à Copenhague souligner que «pour chaque hectare de plantation de feuilles de coca, trois hectares de forêts sont coupés». Un triste bilan pour ce pays d'Amérique du Sud, considéré comme l'une des dix nations au monde comptant la plus grande biodiversité. La Colombie abrite 19% des espèces d'oiseaux du monde, 10% des poissons et 6% des reptiles et le trafic de drogue les menace de mort. L'ex-ministre colombienne de l'Environnement, Cecilia Rodriguez, soutient cette proposition, estimant que 200 000 hectares de forêts disparaissent chaque année au profit de plantations de coca en Colombie, premier producteur mondial (430 tonnes en 2008), soit près de 50% du total, selon les Nations unies. Les Etats-Unis, qui ont contribué à la lutte antidrogue colombienne avec des financements totalisant plus de cinq milliards de dollars depuis l'an 2000, disposent de données alimentant l'argumentaire de la Colombie : chaque hectare de feuilles de coca fait perdre à la terre «112 tonnes d'oxygène» par an, indique-t-on à l'ambassade américaine. En France, le président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies, Etienne Apaire, y voit aussi un nouveau message pour détourner les jeunes de la cocaïne : «Outre les dégâts sur la santé, la consommation de drogue contribue à détruire la planète». Mais en Colombie, certains voient l'initiative avec réserve. «Le gouvernement devrait d'abord se pencher sur les ravages causés à l'environnement par ses forces armées, qui mettent en pratique la politique américaine de fumigation des champs de coca», accuse le spécialiste de l'environnement Rafael Vergara. Pour l'ONG les Amis de la terre, la Colombie, dont le pétrole est la première exportation «légale», n'a en outre pas réalisé d'efforts suffisants en faveur des énergies renouvelables et se plie «aux intérêts des multinationales». «Avant de demander de l'argent, le gouvernement colombien devrait revoir en profondeur sa propre responsabilité», estime Hidelbrando Vélez, président de cette ONG en Colombie.