«A mon avis, il faut dépasser la Coupe du monde de 2010 et se projeter sur l'avenir.» Le moins que l'on puisse dire est que Rabah Saâdane reste lui-même, malgré toutes les manifestations de gratitude et d'hommages dont il a été l'objet à la suite de la qualification des Verts au Mondial sud-africain. Bien des entraîneurs auraient, certainement, versé dans l'euphorie pour jouir au maximum de ces instants de gloire et se focaliser sur le grand évènement de juin auquel va prendre part l'équipe d'Algérie. Saâdane, lui, continue de parler du futur, alors qu'il ne sera, peut-être plus là, c'est-à-dire à un poste de responsabilité dans le football. Il se soucie du devenir de cette discipline dont il sait qu'elle est complètement disloquée avec une base, les clubs, qui fait du n'importe quoi et qui néglige l'important volet de la formation. «Il faut voir du côté des deux prochaines CAN pour lesquelles l'équipe nationale doit se qualifier mais aussi à la Coupe du monde de 2014. Cela est réalisable si on sait prendre les mesures adéquates de manière à ce que le football entame son redressement.» Pour lui, «il faut se servir de la dynamique de l'équipe nationale actuelle pour engager de grandes réformes non pas dans le football seulement mais dans tout le sport algérien». Et il sait de quoi il parle Rabah Saâdane, lui qui était dans l'aventure à la qualification aux Coupes du monde de 1982 et de 1986. Il sait qu'en ces deux occasions les autorités du pays et la FAF ont raté le train des réformes. Il sait qu'elles se sont contentées de se complaire dans ces deux qualifications pensant que l'équipe nationale qu'elles avaient sous la main était éternelle. Plus de 20 ans plus tard, le même scénario risque de se produire si on n'y prend pas garde. Malheureusement, jeudi, Saâdane a beaucoup plus axé son discours sur la prospection à l'étranger. Pour tout dire, il a complètement occulté le volet du championnat local et ses carences. Oui, comme le dit l'entraîneur national, notre émigration, à travers le monde, est susceptible de nous donner de très beaux spécimens de footballeurs. Il serait bon, également, que nos clubs d'ici se donnent la peine de nous offrir une élite. Si le coach national s'est exprimé de la sorte c'est, à notre avis, parce qu'il se rend compte que le temps est trop court pour monter une équipe national compétitive pour les deux prochaines CAN et pour la prochaine Coupe du monde. Il y a tellement de travail à effectuer au niveau local qu'il apparaît comme impossible que nos clubs puissent donner à l'équipe nationale des joueurs performants dans une période de deux ans. L'émigration nous sauve Dans de telles conditions, oui il va falloir continuer à voir du côté de notre émigration pour qu'elle nous fournisse de tels éléments comme elle l'a fait pour l'équipe actuelle qui nous a donné tant de satisfactions. Et encore, Saâdane n'est pas satisfait à 100% de cette équipe. «Nous sommes loin, très loin. C'est pourquoi je dis toujours qu'il ne faut pas oublier d'où nous venons. Cette équipe nous l'avons façonnée petit à petit et jusqu'au jour d'aujourd'hui je peux dire qu'il nous reste énormément de travail à accomplir. Je remarque que comme d'habitude on se met à négliger nos adversaires, à les sous-estimer. Que l'on se mette bien dans la tête que notre équipe a du retard. J'ajoute que lors de la CAN nous allons affronter de sérieux clients à commencer par l'Angola qui est le pays organisateur avec tout ce que cela suppose. Il y a aussi le Mali dont l'effectif est plus riche que le nôtre. Reste le Malawi qui, à mon avis, va nous causer énormément de problèmes. Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est un adversaire facile. On avait dit la même chose du Rwanda et on a vu les difficultés que nous avons rencontrées pour le battre.» Et Saâdane a enfoncé le clou en avouant que la victoire sur l'Egypte a été due au courage et au grand esprit de solidarité des joueurs. «Parce que dans le domaine du fond du jeu, l'Egypte nous est supérieure. Il ne faut pas se le cacher. Ce sont des joueurs qui jouent ensemble depuis 10 ans et il ont acquis des automatismes.» Voilà qui donne un aperçu de ce qu'est Saâdane, quelqu'un de pragmatique et surtout réaliste. On en connaît des entraîneurs ici chez nous qui auraient agi comme des coqs estimant qu'ils ont formé la meilleure équipe du monde grâce à leur savant travail. Il reste que Saâdane sait qu'il a besoin de tout le monde pour réussir, notamment la presse à qui il demande d'aller au fond des problèmes, ceux dont souffre le football algérien et de ne pas se contenter de conter les exploits des Verts.