Tamanrasset se débarrasse laborieusement de la plus mauvaise habitude que les années de disette ont fini par incruster dans son ventre. En attendant un vrai retour à la prospérité, elle tente, plutôt bien que mal, de se remettre d'un cauchemar longtemps agité par d'indécrottables oiseaux de mauvais augure venus consacrer des dizaines d'années d'incurie. Tam n'a finalement pas disparu de la surface de cette immensité dont elle n'est ni la finalité subliminale ni l'animal à consacrer pour conjurer le sort. Tam a déjà choisi par déserter l'ennui mortel qui la condamnait un peu trop vite à mourir de sa belle mort. La ville installe ses tentacules de promesses et de misères au confluent de deux massifs inégalement squattés par le mystère et le réel. Il fait chaud à Tam en ces journées d'hiver et la cité semble revivre sans pour autant renoncer à son lot de douleur qui fait partie de sa marque de fabrique. Elle n'accueille pas encore «toutes les misères du monde», mais elle reste un Pérou de fortune à des détresses humaines venues du nord et un peu plus souvent de ses prolongements naturels dans le désert. Alors, entre un festival de chant amazigh qui anime sans vraiment enthousiasmer et des touristes qui reviennent mais ne font que passer, Tamanrasset livre la nonchalance factice d'une contrée aux lendemains pas toujours rassurants. Tout est dans le regard. Celui de tours opérators qui savent qu'ils ne «peuvent» pas tout faire, celui de travailleurs d'entreprises aux contrats toujours hypothétiques ou précaires et celui d'enfants à la mendicité maintenant harcelante après avoir été discrète. La ville n'a pas de murs d'enceinte, mais elle a les murailles de ses entrailles secrètes. Derrière les façades ocres de diverses fortunes se chuchotent de sordides angoisses et s'élaborent quelques folies rêveuses. Il fait chaud en ces jours d'hiver, mais il faut être étranger aux vraies palpitations de Tam pour y prêter attention. Le soleil est la préoccupation dérisoire de ceux qui en font une fixation. D'en avoir manqué ou de faire semblant parce que ça fait bien d'en parler. Ici le soleil «est». Alors, qu'il pousse ses brûlures jusqu'au bout ou qu'il tempère ses ardeurs avec caprices, ça n'émeut pas outre mesure. Tam scrute le ciel plus pour ses avions que pour son disque doré. Le festival de chant amazigh, comme les touristes ne font que passer. Il y a certes quelques sons et miettes à saisir au passage, mais ça ne construit pas le bonheur au confluent de deux massifs dans l'immense désert. De sable, de roc et d'incertitude. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir