Il s'appelle Mouloud, il a quarante- sept ans et son histoire n'est peut-être pas très originale, mais elle vaut la peine d'être racontée parce que la vie est surtout faite de choses simples. Et elle n'est pas simple non plus, la grande aventure de Mouloud dans le Grand Sud du pays. Quand il a quitté sa Ferdjioua natale, il y a vingt-quatre ans, il ne rêvait que d'accrocher n'importe quoi à Sonatrach ou une autre entreprise pétrolière étrangère. «Le travail est une affaire de famille» et la mienne n'a jamais rien lâché, se confie, un brin philosophe, Mouloud, avant de solliciter sa mémoire pour étayer sa déclaration, qu'il trouve un peu prétentieuse après coup. Voilà, il a trouvé ! Son grand-père est parti des hauteurs jijeliennes à la fin des années quarante. Analphabète et de constitution physique plutôt maigre, il n'avait pour ainsi dire rien de ce qui lui permettrait d'affronter les mines du nord de la France pour les- quelles il se «destinait naturellement» parce qu'il y avait déjà de la famille là-bas. Rien de vraiment original non plus. Il a été, il a travaillé et il est revenu. Si la boulangerie qu'il a achetée à Alger après sa retraite est déjà un signe de réussite puisque dans la famille «on n'oublie pas non plus d'où on vient», il n'y a tout de même pas de quoi crier à la prospérité. Le père de Mouloud, lui, n'a pas quitté la région, mais il est quand même descendu du village à Ferdjioua où il a travaillé dans une entreprise publique jusqu'à sa fermeture. C'était déjà dans l'air du temps, quand Mouloud avait atterri à Hassi Messaoud. Il se rappelle que la désillusion «d'accrocher quelque chose» dans une entreprise pétrolière est venue trop vite. Et le voilà déjà au milieu d'une détresse collective nommée «Kahouat choumara» (café des chômeurs) dans l'une des excroissances de Hassi Messaoud. Un lieu lugubre de laissés pour compte à la lisière des puits de sahara light. La déprime. La déprime, mais il y a pire : la perspective d'un retour honteux chez ses parents. Surtout pas ça. Mouloud a poussé plus loin dans le Sud. Tam, il n'y a pas de pétrole mais il y a des idées. Des boulots de bric et de broc. Mouloud est aujourd'hui taxieur à Tam et c'est déjà pas mal comme promotion. Il s'est même marié ici et il a trois enfants. Ce n'est pas la prospérité, mais dans la famille, on n'oublie pas d'où on vient. Qu'on atterrisse à Roubaix ou à Tamanrasset. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir