Dans cet entretien accordé, en marge de la cérémonie de remise du prix de la femme entrepreneur pour l'année 2009, octroyé par l'Association Savoir Et Vouloir Entreprendre (SEVE), et la diffusion en avant-première de son feuilleton sur la vie de Aïssat Idir, chahid et père de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Samira Bensouda Hadjdjilani raconte cette aventure audiovisuelle qui sera bientôt diffusée à la télévision algérienne. Vous êtes primée, pour l'année 2009, par SEVE pour votre film sur le père du syndicalisme algérien, Aïssat Idir. Comment est née l'idée de ce feuilleton ? Samira Bensouda Hadjdjilani : Je suis productrice de tout ce qui est documentaire et film sur l'histoire de l'Algérie, sa culture et son patrimoine. Nous avons commencé par faire une multitude de documentaires puis nous sommes passés à une grande production. C'est une première expérience. A travers ce feuilleton de 15 épisodes sur la vie du chahid Aïssat Idir, je révèle et je montre ce que le peuple algérien avait subi pendant le colonialisme. Le défunt est connu comme syndicaliste, alors qu'il était aussi un homme politique qui avait été nommé lors du congrès de la Soummam en tant que membre permanent du conseil national de la révolution algérienne. C'est un témoignage obtenu auprès de feu Youcef Benkhedda (ancien président du Gouvernement provisoire de la République algérienne GPRA). Personnellement, je ne connaissais pas bien ce chahid. C'est pourquoi avant de commencer le travail nous avons réalisé un sondage sur un échantillon de 150 personnes dont l'âge varie entre 18 et 25 ans. Résultat : personne ne connaissait Aïssat Idir. Actuellement, on parle beaucoup de l'écriture de l'histoire en Algérie, et avec le développement technologique, les gens sont surtout captés par l'image et le son (audiovisuel) que par les livres. Pour moi, c'est un devoir et un honneur de participer à vulgariser cette révolution et de faire connaître ses hommes et les sacrifices qu'ils ont faits pour l'Algérie. Qui était en fait Aïssat Idir ? Aïssat Idir aurait pu devenir un cadre dans l'administration française, pourtant il avait choisi le militantisme et avait donné sa vie pour ce pays, pour les travailleurs, pour le syndicalisme et l'UGTA. Quelles sont les sources qui vous ont permis de tracer son portrait ? Le fils de Aïssat Idir, Ahmed, a beaucoup travaillé avec nous. Nous nous sommes aussi inspirés du livre de son frère Hassan (Aïssat Idir, Sa lutte politique et syndicale pour l'indépendance de l'Algérie). Nous avons aussi travaillé avec lui par téléphone. Il y a eu aussi le livre de Mohamed Farès (Aïssat Idir documents et témoignages sur le syndicalisme algérien, aux éditions Zyriab, 2009). De plus, avec le réalisateur Kamel Allaham (Jordanien), nous avons étudié plus de 83 ouvrages sur Aïssat Idir et la révolution algérienne avec détails. Tous les faits dans le feuilleton sont réels, vécus, avec des informations vérifiées, recoupées et véritables. On parle généralement dans les films de fiction, nous n'avions pas besoin de fiction. Le coût du produit en lui-même s'est élevé à combien ? Selon le calcul que j'ai pu faire jusqu'à maintenant, le feuilleton a coûté 12 milliards de centimes (120 millions de dinars) avec un financement de la télévision algérienne (ENTV) qui a couvert 60% du coût total. Il faut tenir compte que c'est un feuilleton de reconstitution, avec ses décors et ses vêtements et des recherches. Le feuilleton a été tourné dans des lieux au fin fond de l'Algérie à Bordj Bou Arréridj, à Ijdaren, à Afirou et Mansoura, des villages que je ne connaissais pas. Certains acteurs sont de ces villages, y compris le petit Aïssat Idir que nous avons rencontré dans une école à Ijdaren. Qui est l'acteur principal incarnant le personnage de Aïssat Idir ? Une autre découverte. C'est sa première expérience. C'est lors du casting national que nous avons découvert Mohamed Tahar Zaoui, de Batna, qui est comédien dans le théâtre mais inconnu. Un excellent acteur ! Pourquoi le choix d'un réalisateur jordanien ? La Bataille d'Alger, Omar El Mokhtar, Lalla Fatma n'Soumer qui les a réalisés ? Au cinéma, la nationalité n'a pas droit de cité. Il n'y a pas de frontières dans le cinéma. Seules les techniques cinématographiques comptent. Je voulais faire un grand feuilleton avec des techniques universelles, car je compte participer avec ce feuilleton dans tous les festivals. J'ai de quoi le présenter parce qu'il a été réalisé selon les normes universelles. Peut-on parler aujourd'hui d'une industrie cinématographique en Algérie ? On est loin. On est loin. On est loin ! Pour le cinéma féminin, nous sommes deux ou trois productrices seulement. C'est un métier d'hommes. Mais avec Aïssat Idir, je vais donner la preuve de quoi les femmes sont capables. Ce n'était pas facile de gérer les techniciens, mais lorsqu'ils sont face au sérieux et au travail que fait une femme et au suivi, ils respectent. Le tournage et la phase de préparation qui a été la plus longue ont duré deux ans, avec 16 semaines de préparation, c'est-à-dire de casting, le choix des vêtements et la recherche des décors. A titre d'exemple, pour le procès de Aïssat Idir, je me suis adressée au ministère français de la Justice pour savoir en 1959 combien il y avait de juges et comment ils étaient habillés, etc. Il fallait décorer les maisons comme en 1930 en Kabylie. C'est tout un travail d'anthropologues et de spécialistes. Tout ce qui sera montré est fait à partir de fiches techniques étudiées et vérifiées. Il passera à la télévision quand ? Il est depuis octobre 2009 au niveau de la télévision. En principe, il est programmé pour la diffusion dans les semaines à venir. Il sera aussi produit en film. Avec la permission de la télévision algérienne, nous le présenterons à tous les festivals. C'est un tournant pour Drama el djazaïriya. Propos recueillis par Fella Midjek
Fiche technique : Feuilleton : Aïssat Idir Episodes : 15 Productrice : Samira Bensouda Hadjdjilani (Espace Rencontre production) Réalisateur : Kamel Allaham Acteur principal : Mohamed Tahar Zaoui avec la participation de Sid Ahmed Agoumi Scénario : Kamel Allaham et Rachid Soufi