La société iranienne résiste en silence. Pendant que l'Occident continue de pousser ses cris de vierge effarouchée sur l'enrichissement de l'uranium, de jeunes Iraniens défient chaque jour au péril de leur vie une théocratie qui n'a pas la réputation de faire dans la dentelle quand des voix opposantes se font entendre. Ce n'est peut-être pas toujours par erreur d'appréciation que les démocraties occidentales gonflent parfois jusqu'à l'éclatement les «indices» d'une révolution démocratique à chaque fois déclarée imminente et à chaque fois reportée, lorsqu'ils émanent de l'intérieur du sérail ou de sa périphérie. Il faut se garder à distance respectable du régime des mollahs sans s'en éloigner trop, parce qu'il y a toujours des affaires potentielles, quand elles ne sont pas en cours, à faire avec Ahmadinejad. La France, qui perd rarement le nord, a même songé, dans la foulée des sanctions onusiennes couplées à une élection présidentielle contestée, donc forcément annonciatrice de tempête, à proposer à Téhéran d'envoyer son uranium «se faire enrichir» en France. Et pendant qu'on s'amusait à illusionner le monde sur la fatalité d'une déflagration salutaire qui prolongerait la déception de Moussavi, on ignorait royalement la lame de fond qui continue de traverser le pays perse, bien loin des déchirements du pouvoir. Aigris par leur statut de courtisans marginalisés bien plus que par la défaite électorale qu'ils savaient de toute façon inéluctable, les «candidats malheureux» à la présidence iranienne ont dû être les premiers surpris que tant d'espoir soit placé en eux et qu'ils incarnent un renouveau qui n'était pas dans leur programme. Beaucoup plus loin de Paris et de Téhéran, à Washington plus exactement, l'heure est la traque du caviar, des tapis et des pistaches iraniens, sommés d'évacuer les marchés américains au même moment que les pasdarans tiraient sur la foule, terrorisaient les campus et arrêtaient à tour de bras. Pour une plus grande harmonie, Israël rappelait les «bonnes raisons» de s'en prendre au régime iranien, en fait une seule : la menace – réelle ou supposée – qu'il constitue pour l'Etat hébreu. Ce jeudi sera célébrée le trente et unième anniversaire de la révolution islamique. Pas difficile de deviner la marée humaine qui défilera dans les rues de Téhéran, avec les portraits de Khomeiny dans une main et celui d'Ahmadinejad dans l'autre. La lame de fond restera la lame de fond ce jour-là. Et Moussavi comme tous les aigris du système chercheront à attraper un zoom venu de l'Ouest, quelque part dans un coin sans risque. Pour l'illusion. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir