C'est une réelle partie de ping-pong diplomatique qui semble être engagée entre l'Iran et la communauté internationale. Menacé à brève échéance de nouvelles sanctions internationales pour sa politique nucléaire, l'Iran a renvoyé la balle dans le camp des Occidentaux, se disant prêt à poursuivre jusqu'à fin janvier des discussions en vue d'un accord sur l'enrichissement de l'uranium. Un ultimatum qui n'était pas du goût de certains pays, notamment les Etats-Unis et la France. Les Américains, premiers à réagir, affirment que la précédente proposition occidentale était amplement suffisante. Celle-ci fixait à Téhéran la fin 2009 comme date butoir pour répondre à la proposition occidentale de faire enrichir l'uranium iranien à l'étranger. Une proposition que vient de contrecarrer le ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki. Ce dernier a fixé, à son tour, samedi dernier, aux Occidentaux un autre ultimatum pour la fin janvier. «La communauté internationale a juste un mois pour se décider» à répondre aux contre-propositions à la télévision d'Etat, a-t-il déclaré sur un ton on ne peut plus décidé. Dimanche, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Ramin Mehmanparast , a expliqué que la date de fin janvier évoquée par M. Mottaki résultait d'un accord passé voilà un mois avec les Occidentaux. L'origine de la crise Au centre du conflit entre Téhéran et les Occidentaux, l'enrichissement de l'uranium iranien. Les Occidentaux, franchement hostiles à ce projet, redoutent que la République islamique ne se dote du combustible utilisable à des fins militaires. L'Iran a rejeté à plusieurs reprises l'échéance fixée à fin 2009, notamment par Washington et Paris, pour accepter de faire enrichir son uranium à l'étranger sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Un projet du groupe des Six, à savoir les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, pays interlocuteurs de Téhéran sur le nucléaire, prévoyait que l'Iran fasse enrichir à 20% par la Russie la plus grosse partie de son uranium faiblement enrichi, 1 200 tonnes d'un coup, pour obtenir en retour du combustible pour son réacteur de recherche. L'Iran a rejeté cette offre et a proposé des échanges d'uranium simultanés et en petites quantités. Téhéran a également exigé que ces échanges se fassent en Iran, avant de renoncer à cette condition en évoquant la possibilité d'un échange au Brésil, au Japon ou en Turquie. Des tergiversations aux franches hostilités Les Occidentaux n'ont pas réagi à cette ouverture, mais ils avaient rejeté auparavant le principe d'un échange par étapes. Ce rejet et la condamnation de la politique nucléaire iranienne par l'AIEA ont poussé le président iranien Mahmoud Ahmadinejad à affirmer, début décembre, que l'Iran enrichirait lui-même à 20% l'uranium dont il estime avoir besoin, et que le dossier était «définitivement clos». Après cette annonce, les Occidentaux ont demandé à Téhéran de leur donner deux mois pour parvenir à un accord, selon les décélérations du porte-parole des affaires étrangères iraniennes. Les Iraniens semblent trouver le temps très long sans possibilité pour eux de reprendre leurs activités nucléaires, d'où l'ultimatum qu'ils viennent de fixer pour fin janvier. Un mois est écoulé, et il reste donc encore un mois avant que l'Iran, si l'accord n'intervient pas, prenne la décision qui lui sied. Les Américains ne trouvent visiblement pas cette impatience iranienne à leur goût. Pour le porte-parole du Conseil national de sécurité américain, Mike Hammer, l'Iran «s'isole» en posant aux grandes puissances un «ultimatum». La France ne pouvant qu'emboîter le pas à ses alliées américains, le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, a dénoncé la «dernière pirouette» des autorités iraniennes. «Ce n'est pas à nous d'accepter ce qu'ils veulent nous imposer», a déclaré le ministre français des Affaires étrangères hier, matin sur RTL, ajoutant : «Non, on ne peut faire comme ça». Les Six doivent donc se consulter dans les prochains jours sur d'éventuelles nouvelles sanctions contre l'Iran, dont l'examen pourrait débuter à la mi-janvier au Conseil de sécurité de l'ONU. L'Iran, rappelons-le, a déjà fait l'objet de cinq résolutions du Conseil de sécurité, dont trois assorties de sanctions, pour son refus de suspendre ses activités d'enrichissement de l'uranium. L'Occident agite l'épouvantail de l'action militaire Fin septembre, après la découverte d'un site secret de développement de combustible nucléaire en Iran, l'administration Obama avait prévenu qu'elle n'écartait pas l'option militaire contre Téhéran. «La seule façon de ne pas se retrouver avec un Iran en possession de l'arme nucléaire est que le gouvernement iranien comprenne que concevoir une telle arme affaiblirait la sécurité [du pays], au lieu de la renforcer», avait alors souligné à l'époque le secrétaire d'État à la Défense Robert Gates. Pour ce qui est des Iraniens, même les opposants au régime de Ahmadinejad entendent voir leur pays peser d'un poids certain sur le plan international, notamment au sein d'une région dominée par les pays arabes et où figure l'État sioniste, doté de la bombe tant redoutée, l'Occident n'y voyant aucun inconvénient. Barack Obama, Nicolas Sarkozy et les autres Occidentaux, qui savent que l'opposition en Iran est plus forte que jamais, ont évidemment rejeté l'ultimatum iranien. Il leur reste en premier lieu à se pencher sur les sanctions passibles d'affaiblir davantage le régime en évitant de pénaliser la population. Ces mesures pourraient viser, notamment, le secteur bancaire et celui de l'assurance. A l'inverse de George Bush, qui refusait le dialogue avec la République islamique, le nouveau locataire de la Maison- Blanche, M. Barack Obama, a donné l'impression de vouloir engager un dialogue de manière à faire endosser tout échec des négociations au régime iranien. Le spectre de l'option militaire toujours présent, n'est-on pas en phase de préparer une seconde invasion à l'irakienne ? Une menace bientôt réalité ? G. H.