La nouvelle rencontre informelle entre le Maroc et le Front Polisario, des 10 et 11 février près de New York, a été aussi infructueuse que celle du mois d'août 2009 à Vienne. Pouvait-il d'ailleurs en être autrement au regard de l'intransigeance de la délégation marocaine venue encore une fois mettre sur la table - comme condition préalable aux négociations - son «plan d'autonomie» pour le Sahara occidental ? Une rencontre convoquée «à chaud» En réalité, personne ne se faisait d'illusions sur le minimum de chance que le Maroc pouvait assouplir sa position, lorsque, à la fin de l'année écoulée, le représentant des Nations unies, Christopher Ross, avait annoncé une nouvelle reprise des négociations directes entre les deux parties impliquées dans le conflit sur l'ancienne colonie espagnole. Cette annonce semblait avoir été décidée «à chaud», au plus fort de l'émotion suscitée par la grève de la faim de Mme Aminatou Haider, à travers un monde encore sourd aux violations des droits de l'homme au Sahara occupé depuis 1975. Le Maroc était pointé du doigt par les organisations civiles humanitaires les plus influentes au monde, donc dans une situation peu confortable au plan diplomatique. Les déclarations de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton invitant à la recherche d'une solution rapide à ce problème ont aussi certainement aidé Christopher Ross à convaincre facilement les Marocains, réticents à cette idée, de se présenter à nouveau à la table des négociations. Dès le départ, et pour mieux faire diversion autour du fond de la question sahraouie, les autorités marocaines avaient entrepris de lancer une campagne des plus insidieuses et particulièrement haineuse contre l'Algérie qu'ils accuseront d'avoir inspiré le cas Haider». Le roi Mohammed VI reformule son «plan d'autonomie» par la «régionalisation avancée». Une nouvelle initiative identique dans la forme comme dans le fond à la précédente, inspirée, dit-on volontiers dans les milieux officiels à Rabat, des expériences des systèmes politiques décentralisés, du Royaume-Uni, de l'Allemagne et des Etats-Unis, histoire donc de séduire ces pays alliés traditionnels du royaume du Maroc. Campagne «insidieuse»de Fassi Fihricontre l'Algérie A la veille de se rendre à New York, le ministre des Affaires étrangères marocain, Taieb Fassi Fihri, qui conduit la délégation de son pays, annonce la couleur et ne laisse aucune illusion sur un éventuel fléchissement de la position du roi Mohammed VI. «Aucune concession n'est possible sur la marocanité du Sahara» et la solution à ce «conflit artificiel créé par l'Algérie» passe par «l'autonomie». C'est en ces mêmes termes que s'exprimera, encore une fois, vendredi dernier, le ministre marocain des AE. Le discours marocain n'ayant pas changé, la politique pouvait-elle l'être ? Quelles chances pouvaient, donc, avoir ce nouveau round des négociations qui a permis à M. Ross de constater, une fois de plus, l'écart intact dans les deux positions en présence. Celle du Maroc qui veut mettre l'ONU et la communauté internationale devant le fait accompli, avec le soutien de son ancienne puissance coloniale devenue son meilleur allié, la France, et de l'ancienne puissance coloniale de sa propre colonie, l'Espagne gouvernée par les socialistes. Et celle du Front Polisario qui se fonde sur les principes mêmes que défendent les Nations unies : le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et à l'indépendance. Une intransigeance appuyée à Paris et Madrid L'intransigeance marocaine s'inscrit, non pas dans la logique du droit international mais dan celle de la logique du rapport de puissance, avec le soutien de la France au Conseil de sécurité et de l'Espagne, voix écoutée aux Nations unies, en sa qualité d'ancienne puissance coloniale du Sahara. Voilà le mur contre lequel ont buté les efforts de M. Ross de faire admettre, comme il s'y était engagé, au début de l'année 2009, à mettre en œuvre le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Une année après sa prise de fonction, le représentant du SG des Nations unies se heurte de front aux mêmes obstacles qui sont à l'origine de la démission de son compatriote James Baker, auteur d'un plan pour le Sahara, qui porte son nom, adopté à l'unanimité, le 16 juillet 2003, par le Conseil de sécurité. M. Ross découvre que la «realpolitik» préconisée par les amis du Maroc est en fait plus forte que le droit. Pour ne pas constater - consommer - un échec total de ce round informel qui vient s'ajouter à celui des précédentes rencontres, formelles ou non, Christopher Ross s'est accroché à la décision des deux parties de laisser ouverte la possibilité d'une nouvelle rencontre informelle ou d'un cinquième round. Cette fois le représentant des Nations unies est devant un choix : prendre le risque de convoquer une prochaine réunion dans les mêmes conditions dont l'échec est garanti d'avance ou convaincre le Conseil de sécurité d'exiger le préalable de la reconnaissance par le Maroc du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. C'est l'unique condition qui peut faire avancer les négociations directes, d'autant que le Maroc ne perdra pas la face dans la mesure où les accords de Houston de 1991, auxquels il a souscrit, prévoient la tenue d'un référendum au Sahara occidental. La balle dans le camp du Conseil de sécurité Le tout est de savoir quels conseils Paris et Madrid prodigueraient, dans ce cas, au royaume du Maroc et de quelles pressions elles useraient pour accompagner la politique du fait accompli au Sahara occidental. Le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, est celui qui a mis en échec le «plan Baker» comme il est derrière le principe que le Conseil de sécurité ne devrait pas imposer de solution aux parties en conflit. Autrement dit imposer le plan Baker, la seule base concrète qui pouvait encore conduire vers une solution définitive au conflit du Sahara occidental. La bale est dans le camp du Conseil de sécurité qui doit se réunir, en avril, pour décider de la prorogation du mandat de la Minurso et, peut aussi, ce qui serait fondamental et un progrès, de l'élargissement des prérogatives de cette institution de l'ONU à la surveillance des droits de l'homme au Sahara occidental.