A travers les œuvres de Boubekeur Sahraoui, on effectue un «voyage mémoire» dans le passé. Il recherche des lieux qui l'ont fasciné : sites et patrimoine national et tous ceux qui ont bercé son enfance. Il expose une centaine de ses œuvres au palais de la culture Moufdi Zakaria jusqu'au 28 février. Reconnu pour ses travaux de miniature, ici l'exposition porte sur un travail peu montré et qui préoccupa l'artiste durant une décennie. Il s'agit d'images granuleuses de petit ou grand format. L'œuvre où dominent les couleurs bleu, ocre, jaune ne montre pas l'espace tel qu'il est, elle montre le surgissement de l'espace dans notre regard. Il ne s'agit pas du tout d'une reproduction mais d'un souvenir abstrait, une impression de lumière et de dynamisme de la ligne qui aboutit à un travail très singulier. Un paysage évolutif entre figuration et abstraction, qu'il s'agit d'une mosquée ou d'un espace urbain, un microcosme graphique imaginaire et poétique. Plusieurs zones paysagères foisonnent et se créent, élément par élément. Les signes qui constituent ces paysages prolifèrent, se propagent, fusionnent pour constituer un territoire hybride en perpétuelle mutation. La fuite en avant avec les harraga fait la joie et le bonheur des poissons Boubekeur construit des espaces et des jeux de langage qui libèrent tout particulièrement la parole de ceux qui les regardent. Il explore des territoires ambigus liés à l'architecture, à l'idée de contraintes de celle-ci sur l'appréhension de l'espace et de son influence sur les êtres. La Mitidja dévorée par l'avancée du béton. La fuite en avant avec les harraga qui fait la joie et le bonheur des poissons. Ce que tente de saisir l'artiste c'est l'insaisissable, ce point de tension à partir duquel les corps deviennent instables, s'usent, cèdent ou font front aux formes minimales qui composent le vocabulaire plastique de Boubekeur. Cet artiste a étudié l'art de la restauration en France et a étudié durant 4 années à Ispahan et à Téhéran en Iran. Parmi ses grands travaux, il a restauré l'amirauté d'Alger, les plafonds du musée Bardo, la décoration des plafonds de l'hôtel El Djazaïr sous la direction de l'architecte Pouillon. Il a enseigné à l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger et a exposé en Algérie et à l'étranger. Cet artiste qui s'inspire des traditions algériennes déplore la dégradation des sites historiques et de l'environnement. Dans cette activité qui nécessite beaucoup de patience, de doigté et d'imagination, Sahraoui Boubekeur assure une cohérence dans ses œuvres sans émousser la créativité. Ici cet art de la miniature a souvent poussé ces artistes dans leur retranchement, souvent malmené, mal compris dans la création contemporaine, le sens est ici passé à la centrifugeuse. Cet artiste a saisi toute la richesse sémantique pour proposer des œuvres où nos repères sensoriels sont excités par l'idée du passé et du présent. Les directions, l'orientation sont bouleversées, la signification des représentations est à double ou triple lecture, le désordre s'installe dans les œuvres, les surprises ne manquent pas. Il ne s'agit pas de provoquer, mais d'emmener le spectateur sur des sentiers moins tranquilles certes, mais où le paysage demeure lisible et nous touche.