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«Je vous demande de vous arrêter»
DéCRYPTAGES
Publié dans Le Temps d'Algérie le 28 - 02 - 2010

Les soldats US sont ravis. Non pas parce que les armées occidentales vont se retirer d'Afghanistan, le Royaume-Uni n'envisage pas de plier paquetage avant les cinq ans à venir. Pour qu'ils ne trouvent pas le temps trop long, les Marines sont ainsi autorisés à accéder aux réseaux sociaux sur le net et à tenir des blogs.
Twitter et Facebook pour ceux qui veulent se déconnecter de la réalité de la guerre. Que pourront-ils consulter une fois qu'ils auront échangé leurs armes contre des souris ? Bien que le génocide rwandais remonte maintenant loin dans le temps, ils apprendront de la voix d'Edouard Balladur que l'armée française a été «exemplaire» au Rwanda et qu'elle a défendu l'opération Turquoise qui était strictement humanitaire.
Pas de quoi donc tancer l'armée française ? Pourtant, lors de sa visite de «réconciliation» à Kigali, le président Sarkozy a reconnu de graves erreurs d'appréciation et de graves erreurs politiques. Voire, une forme d'aveuglement. Ce qui a fait que la France a été incapable d'anticiper et d'arrêter les massacres.
Ça ne sert à rien de tourner autour du pot, l'engagement français via l'opération Turquoise, qui portait très mal son nom d'ailleurs, a été trop tardif et trop faible. Ne serait-ce que pour ses aveux, Nicolas Sarkozy se devait-il de présenter des excuses au nom de tous les Français au président Paul Kagamé ? D'autant que les politiques belges et Bill Clinton n'en sont pas morts après avoir présenté les leurs.
A chaque pays son histoire, a répondu le maître de l'Elysée. S'il a passé quatre heures à Kigali, ce n'était pas pour s'amuser ou pour participer à un concours de vocabulaire.
Seulement, il ne faut en aucun cas confondre graves erreurs et plates excuses, Nicolas Sarkozy sait choisir et placer ses mots. Quant à la repentance, il y en a eu guère.
Sans ce pardon que méritent au moins les victimes du génocide, la réconciliation franco-rwandaise est-elle condamnée à la fragilité éternelle ? «Je vous demande de vous arrêter», aurait bien pu lancer Edouard Balladur si cette question lui avait été posée. Mais force de reconnaître que toutes les réconciliations ont eu à toucher le fond à chaque fois que le pardon venait à manquer cruellement à la surface.
Sans repentance de la Ve République, Paris et Kigali n'encourent-ils pas le risque - ô combien suicidaire - de reproduire ce schéma à l'identique ?
Ils n'y échapperaient pas, ne serait-ce qu'au vu du lourd contentieux des présumés idéologues et responsables directs du génocide qui se la couleraient douce en Europe, notamment sur les bords de la Seine.
Pour n'avoir pas présenté d'excuses sur son engagement tardif au Rwanda, la France aura-t-elle un jour le courage de demander pardon pour avoir «hébergé» sur son sol de présumés criminels de guerre ? Peut-être que les soldats US, autorisés à naviguer sur le net, ne le sauront jamais. A moins qu'ils se remettent à feuilleter les pages de l'histoire.


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