Nous ne sommes pas au large du Golfe d'Aden mais quelque part en mer Méditerranée. Dans les eaux internationales où aucune marine du monde n'a le droit de monter à bord de navires de passage, moins encore d'y jouer à Sherlock Holmes. C'est méconnaître la facilité avec laquelle la marine israélienne peut faire noyer le droit international. Bardée d'une autorisation d'abordage, signée au temps de Condoleezza Rice et de Tzipi Livni, elle s'est permis d'arraisonner un navire loin des eaux territoriales israéliennes. Dans les soutes du Francop, des centaines de tonnes de roquettes et autre armement. Un autre cargo fantôme ? Benjamin Netanyahu n'aura pas à revenir à Moscou où nul ne sait s'il a marchandé la restitution de la cargaison de missiles russes, qu'aurait saisis le Mossad à bord du Sea Arctic, contre un ralliement antimollahs de la part du Kremlin. Le tapage médiatique suffit à lui seul à mettre en scène l'ampleur de la prétendue saisie. La marine israélienne, qui s'entraîne à tirer sur les embarcations de pêche ghazaouies, a retracé l'itinéraire du Francop sans même avoir fait appel à ses cartographes. Le navire est parti d'Iran vers la Syrie et le principal destinataire de l'arsenal militaire saisi est le Hezbollah libanais. L'armée d'Ehud Barak, directement concernée par l'accusation de crimes de guerre d'après le rapport Goldstone, est formelle : en cas de nouvelle guerre contre l'Etat hébreu, le bras armé du parti de Cheikh Nasrallah a de quoi tenir durant tout un mois. A se demander quand est-ce que le mouvement chiite pourrait s'en servir. En cas d'attaque surprise contre les installations nucléaires iraniennes ? Du côté de Tel-Aviv, l'ouverture d'un second front de guerre au Liban ou à Ghaza – le Hamas y aurait testé récemment un nouveau missile d'une portée de 60 km – fait craindre le pire. Parce que W. Bush et ses vieux alliés n'ont pas réussi à réduire en cendres l'arc islamiste radical au Proche-Orient qu'il vaut mieux cibler directement l'axe du mal qui est censé les protéger et les soutenir. L'axe irano-syrien, bien sûr, contre lequel la «diplomatie préventive» n'a pas eu d'effets dévastateurs. Soi-disant prises la main dans la soute, les autorités de Téhéran et de Damas n'ont-ils pas offert cette belle prise pour que les Occidentaux prennent le relais aux commandes de la machine à propagande de leur ami israélien ? Tellement étrange le profil bas qu'ils ont affiché que tout laisse penser qu'eux-mêmes n'ont pas cru en la manœuvre de leur propre allié. Ne sachant trop comment arrêter la montre que la République islamique d'Iran jouerait à Vienne – les mollahs se refusent à devenir une cible trop facile sans leur uranium – les Occidentaux se seraient rués sur le quai du port israélien d'Ashdod pour remettre les pendules à l'heure des sanctions qui vont peiner à infliger au régime de Téhéran. Bien qu'ahuri devant la découverte de la sauvagerie de la guerre d'Irak et d'Afghanistan en terre texane, Barack Obama aurait pu dépêcher des experts militaires US pour relever les numéros de série sur les missiles découverts et remonter jusqu'à l'origine du pays fabricant. Idem pour Nicolas Sarkozy et Gordon Brown, les deux autres présidents membres du front de Pittsburg. Trop tard pour s'inquiéter de la quantité d'armes exhibées, le Francop a été autorisé à reprendre la mer comme si de rien n'était. Mauvais vent !