Malgré une situation sociale et économique difficile, la Mauritanie n'et pas près de céder aux pressions des payeurs de rançon. Ni au chantage d'Al Qaïda qui tente de rééditer son exploit malien en exigeant la libération de ses membres emprisonnés en Mauritanie en échange des otages espagnols et italiens qu'elle détient au nord du Mali. La Mauritanie a opposé un niet catégorique à Al Qaïda qui a exigé la libération de ses membres détenus dans ce pays contre la libération des otages occidentaux en sa possession. Le Premier ministre mauritanien, Moulaye Ould Mohamed Laghdhaf, a été on ne peut plus clair sur le sujet en affirmant jeudi au cours d'une conférence de presse qu'«il n'y aura pas de négociations avec ces groupes terroristes» et qu'en conséquence «il n'y aura pas d'échange de qui que ce soit contre qui que ce soit avec les preneurs d'otages». Une attitude qui rend compte de la détermination de Nouakchott à ne laisser planer aucun doute sur sa volonté de mener une guerre implacable aux groupes terroristes opérant sur son territoire et sur ses frontières. La position de principe mauritanienne tranche avec l'attitude complice du Mali qui ne s'est pas embarrassé de scrupules en libérant 4 terroristes, auteurs de crimes de sang dans leur pays, en échange d'un otage français. Le président malien, qui a cédé aux sollicitations de la France, s'est attiré du coup les foudres d'Alger, de Nouakchott et de Washington qui regrettent son geste, considérant qu'il constitue un grave précédent dans leurs relations bilatérales et dans le cours de la guerre livrée au terrorisme à l'échelle mondiale. Contrairement aux officiels maliens qui ont fait le dos rond sur cette grave affaire, le gouvernement mauritanien entend, lui, remettre les pendules à l'heure, en expliquant, par la voix du Premier ministre, que toute concession aux terroristes en appellera d'autres. Plus concret, M. Laghdhaf suggère que la délicate question des prises d'otages soit résolue par la force et selon le sacro-saint principe qu'on ne négocie pas avec les terroristes, de quelque bord qu'ils soient. Raison qui explique pourquoi la Mauritanie, pourtant classée parmi les pays les plus pauvres de la planète, a fait le sacrifice de doter son armée de moyens suffisants pour «assurer la sécurité dans son pays et sur ses frontières», et ce, au détriment de secteurs sociaux vitaux. Résister au chantage occidental Les précédentes attaques de l'ex-GSPC contre des casernes militaires mauritaniennes et l'utilisation de ses territoires désertiques comme terrain de manœuvres avaient créé un climat d'insécurité permanente, en particulier le long des frontières avec le Mali. La situation n'a pas été sans provoquer un déclic dans la société mauritanienne qui, depuis, a compris tout l'intérêt à se doter d'une force armée capable de déjouer le complot d'Al Qaïda et ses affidés au Maghreb. L'exploit réalisé la semaine dernière par l'armée mauritanienne qui avait tendu une embuscade à un convoi de véhicules transportant de la drogue, «sécurisée par les groupes criminels présents dans le région», faisant 3 morts et 20 prisonniers dans les rangs des islamistes, est à inscrire dans la logique sécuritaire de Nouakchott qui ne veut plus faire dans la dentelle avec des groupes qui se font de plus en plus menaçants et qui plus est bénéficient de la «clémence» de gouvernements occidentaux, la France en tête. La vie des otages occidentaux vaut-elle plus que la sécurité de tout un pays ? Probable puisque malgré les démentis, le gouvernement espagnol ne cache pas l'espoir d'une libération prochaine de ses trois humanitaires - et probablement du couple italien - détenus dans une zone désertique au nord du Mali. Des négociations auraient été entamées entre l'organisation terroriste et Madrid pour leur libération contre une rançon dont le montant a été évalué à 5 millions d'euros, avait révélé le quotidien espagnol El Mundo. Contrôles renforcés aux frontières Mais l'Aqmi, sortie vainqueur du bras de fer qui l'a opposé à Paris et Bamako, a fait monter les enchères en exigeant la libération de tous ses éléments emprisonnés en Mauritanie, d'abord pour «punir» Nouakchott de son audacieuse opération contre ses groupes la semaine dernière, ensuite pour reconstituer ses rangs dans les vastes zones sahariennes chevauchant la Mauritanie, l'Algérie, le Mali et le Niger, voire le Tchad et le Sénégal. Cette éventualité a fait réagir le gouvernement mauritanien qui a pris de nouvelles mesures pour le contrôle de ses frontières avec le Sénégal où certains passages secondaires ont été fermés. La presse sénégalaise rapporte que cette mesure aurait fait l'objet d'une sensibilisation par voix de presse en Mauritanie et qu'elle devait entrer en application le 1er mars 2010. «Pour certainement des mesures de sécurité liées au terrorisme rampant qui sévit dans ce pays, les autorités mauritaniennes ont désigné sur le long du fleuve, de Diama à Goiuraye, dans le Guidimakha, 35 postes de passage officiels, il en est de même avec ses frontières avec le Mali, l'Algérie et autres», explique un quotidien dakarois qui affirme, en outre, que les conséquences d'une telle mesure vont se ressentir durement dans les jours à venir sur les populations riveraines des deux côtés des frontières.