Les images nous sont désormais familières, mais on ne s'en lasse pas pour autant. D'abord parce que dans le genre, l'ENTV ne nous en sert pas beaucoup, ensuite parce qu'elles sont belles, et enfin parce qu'elles nous rappellent que des moments de bonheur simple, qu'ils soient le fruit de l'initiative ou de la fidélité au patrimoine commun, sont finalement à portée de main. On ne sait pas si la télévision nationale sera aussi généreuse cette année en s'intéressant au sujet, mais une dépêche de l'APS nous apprend déjà que «les familles de la wilaya de Bordj Bou Arréridj s'apprêtent à fêter, comme le veut une vieille coutume locale, Chahou er-rabie (début du printemps) par un gigantesque pique-nique champêtre. Cette tradition immémoriale, respectée aussi bien en ville que dans les campagnes des Bibans, consiste en un rituel, bien huilé par les siècles, qui débute tôt le matin par une promenade familiale à travers champs et prairies, au milieu des piaillements des enfants». La dépêche aurait pu passer pour une banale information «balancée sur le fil» par un correspondant régional soucieux de gagner sa journée. Mais des dépêches qui nous apprennent que des Algériens d'une région, d'une ville ou plus modestement d'un village partagent un pique-nique dans la décontraction, la bonne humeur et, suprême bonheur, des moments de spiritualité apaisée, on n'en lit pas des masses. On ne sait pas non plus si les Bordjiennes et les Bordjiens perpétuent la tradition dans son intégralité, mais on apprend, toujours par l'APS, qu'une vieille de Bordj Ghedir racontait ainsi de lointains souvenirs d'enfance où la prière du premier vendredi du printemps se déroulait dans les champs fleuris, un élan de communion qui doit être émouvant de beauté. Partager un plat traditionnel, entonner un chant, exécuter un pas de danse ou simplement se retrouver entre femmes et hommes parce que nous avons des choses à vivre ensemble ne doit donc pas être si compliqué que ça et pourtant c'est si rare que ça va jusqu'à faire verser une larme sur des rendez-vous de bonheur possible que nous n'en finissons pas de lamentablement rater tous les jours. Pourtant, le faire doit être plus simple que de s'en extasier comme s'il s'agissait d'un rêve inaccessible dont on n'est même pas sûr d'avoir les images. Les processions d'enfants, d'hommes et d'enfants allant à travers les sentiers escarpés des Bibans, le son du bendir et des youyous, ce ne sont pas que des travellings de réalisateurs, c'est surtout la vie, la nôtre, dans ce qu'elle a de basique. Peut-on le faire encore et ailleurs, juste pour ne pas mourir ? Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir