Pour ses prémices en peinture, Sabiha, artiste en herbe, a pour un coup d'essai réussi un coup de maître avec son exposition originale et hors des sentiers battus, au titre allégorique «Maelström». Cet épanchement chromatique et ses formes diverses font la force de son œuvre qui se décline dans l'émotionnel. Cette manifestation artistique qui s'est tenue à l'espace Media Book (Enag) se décline dans tout ce qu'il y a d'intime et de personnel de la vie de l'artiste. «C'est un moyen d'expression personnel et c'est suite à un processus de maturation personnelle», avoue-t-elle. Maelström résume «le tourbillon qui m'habite ; je me sens traversée par différentes émotions, et je m'exprime avec le geste et la couleur», dit- elle. Indubitablement, l'artiste est une vraie coloriste qui, dans sa gestuelle picturale, focalise sur la couleur. Tantôt vive, tantôt pastel au gré de ses humeurs et de ses émotions. Sabiha fonctionne à l'instant, au moment. «Ma préoccupation cardinale est de décharger mes émotions», dit-elle. Mais attention la pudeur est là omniprésente. Et Sabiha doit se faire violence pour exprimer ce qu'elle ressent. «Ce n'est pas facile de le dire par l'écrit ou par le trait, la pudeur est ancrée en nous, et la société traditionaliste ne facilite pas l'épanchement émotionnel ni sentimental. La pression sociale est si forte que les gens ont peur de se libérer. Je suis allée au-delà de moi-même ; je me suis mesurée à mes craintes. Il faut un courage phénoménal à une femme pour se libérer», affirme-t-elle à bon escient. Le regard de l'autre est une prison Elle fait fi des pesanteurs sociales qui nous introduisent dans un carcan de traditions qui figent l'être et ne lui permettent pas d'évoluer à sa guise. Il est vrai que le regard de l'autre est castrateur et reste souvent une prison. S'en libérer n'est pas une mince affaire ! Pourtant, cette artiste qui est à ses débuts a réussi ce challenge. Forte de caractère ou fonceuse ? Assurément, les deux ! Sa maturité intellectuelle, sa vision plurielle du monde et son substrat culturel puisé de son milieu familial ont prédisposé Sabiha, d'une grande culture, à transcender tout pour libérer ses pulsions et ses rêves. A cet effet, elle dit sans ambages : «C'est une fierté d'avoir été au bout de mon rêve décidé brutalement. Pour tes quarante ans, pourquoi ne pas t'ouvrir au monde», avoue-t-elle. C'est ce qu'elle fit avec spontanéité et fraîcheur, et son exposition est un régal pour l'œil. Elle insuffle à ces 18 toiles, notamment Rêve, Duo, Commencement, Mécanisme, ce souffle de liberté qui s'inscrit dans cet aérien tracé qui, dans certains tableaux, est violent et dans d'autres fugace et évanescent. Son œuvre est un débordement d'impressions, de sentiments. Après cette agitation émotionnelle et ce remous personnel, elle arrive à bon port au stade de la maturation pour dire en symbiose tout son ressenti. Sa tendance graphique qui verse dans l'abstrait témoigne d'un art raffiné. La violence extraordinaire de ses lignes et formes, l'ampleur de ses compositions et la poignante émotion triste ou joyeuse qui émanent de ces toiles font que Sabiha a un style propre spécifique à elle, même si une ou deux toiles font des clins d'œil à l'art naïf. Sa peinture se renouvelle dans des formes d'expression plastique qui traduisent sa maturité graphique. A cela, se greffe ses teintes harmonieuses dénotant ses émotions les plus profondes. Sa palette intensément colorée traduit cette prédisposition à la couleur mais aussi ce maelström émotionnel.
Une peinture intensément libre Cette effusion chromatique turbulente presque informelle transfigure les formes avec une frénésie déchaînée, ce qui correspond à deux cycles de création, l'un en 2007 et l'autre en 2009. Deux phases de sa vie traversées en premier par des turbulences et des questionnements et ensuite par une quiétude et sérénité. Sabiha Abdiche qui se cherchait, s'est-elle retrouvée dans sa peinture ? Ce qui est sûr, c'est qu'elle lui a permis d'évoluer et d'aller de l'avant. Cette riche expérience plastique a montré la pleine mesure de son talent avéré d'artiste peintre. Sa peinture lestée à aucun mouvement ni obédience est intensément libre, sans attaches comme elle. Sabiha Abdiche est une citoyenne du monde ! Lorsque l'on admire ses toiles, Sabiha semble nous confier les clés de son œuvre, et l'on ouvre les portes une à une retrouvant avec délice les émotions diverses et éparses mâtinées d'amour et de tolérance. Cette exposition mérite le détour pour découvrir une artiste autodidacte qui excelle avec une floraison de couleurs et des formes d'une vitalité forcenée.