Les abus et les perversions sexuels au sein du clergé catholique ne sont certes pas nouveaux. Ce qui l'est, c'est leur ampleur, leur nature parfois criminelle et surtout le fait que tout le monde en parle désormais. La maison du Seigneur a bien pu garder pendant longtemps le plus révoltant des secrets d'Alcôve, mais çà et là de la «fumée» a échappé des cheminées entre bien des conclaves. Cette fois-ci, les éclaboussures sont d'une telle hauteur que rien ne semble pouvoir colmater les brèches d'échappement. Et d'en juguler les conséquences. L'immunité par le sacré ayant été abandonnée depuis le temps par les Etats et une grande partie de l'opinion, il va bien falloir que les autorités catholiques s'expliquent sur les errements des leurs et que ces derniers répondent individuellement de leurs délits comme les autres mortels justiciables. On peut bien sûr, comme le suggèrent certains dignitaires catholiques, regretter que des «actes isolés» ouvrent la porte au dérapage contre l'Eglise. Mais c'est précisément parce que les responsabilités personnelles sont rarement assumées que se posent des questions sur la responsabilité institutionnelle. Et qu'on aille chercher des motivations politiques ou philosophiques à l'expression des indignations dans des affaires de pédophilie ordinaire renseigne sur le niveau de l'embarras. En l'occurrence, c'est le prédicateur de la maison pontificale qui détient la palme du «bottage en touche». Le père Raniero Catalamessa - c'est ainsi qu'il s'appelle - a lu vendredi devant le pape à l'occasion de la célébration de la «passion du Christ» à la basilique Saint Pierre la lettre d'un «ami juif» selon lequel les attaques contre l'Eglise catholique, secouée par des scandales de pédophilie, rappellent «les aspects les plus honteux de l'antisémitisme». L'Eglise catholique ne peut plus se protéger elle-même du tollé soulevé par ses turpitudes morales, elle s'en va allégrement chercher un refuge à ses yeux plus sécurisant et plus mobilisateur. En fait une voie plus écoutée plus que toutes les autres : l'antisémitisme. Le problème est que la lettre de «l'ami juif» a eu le prolongement contraire de ce qu'espérait manifestement le prédicateur de la maison pontificale. Beaucoup en ont rigolé, mais les réactions les plus cinglantes sont venues du rabbin de Rome qui estime qu'il s'agit là d'une faute de goût et d'une comparaison inappropriée, alors que pour le secrétaire général du conseil central des juifs d'Allemagne, «il s'agit d'une impertinence et d'une insulte vis-à-vis des victimes des abus sexuels ainsi que des victimes de la Shoah». En plus de défendre laborieusement des curés et des prêtres pédophiles, le prédicateur - et le pape visiblement consentant - vont peut-être répondre de leur… négationnisme ! Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir