Après un trimestre compromis par le long mouvement de protestation, les syndicats autonomes de l'éducation n'écartent pas l'éventualité de recourir à une prochaine grève, afin de faire valoir leurs droits. Meziane Meriane, secrétaire général du syndicat national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Snapest) est revenu dans cet entretien accordé au Temps d'Algérie, sur ce mouvement qui a paralysé le secteur sans pour autant arriver à inciter la tutelle à prendre en charge ses requêtes socioprofessionnelles. Il considère, par ailleurs, que «le dossier des cours de rattrapage a été très mal étudié», d'où «le cafouillage» enregistré dans les établissements scolaires. Le Temps d'Algérie : Le ministère a utilisé l'avenir des élèves comme motif pour convaincre les enseignants de mettre fin à leur débrayage. Il a également évoqué la nécessité d'introduire des cours de récupération, pour finaliser le programme scolaire à temps. Qu'en est-il pour ce dossier ? Meziane Meriane : Ce qui est regrettable, c'est qu'il n'y a pas eu uniformité dans le programme de rattrapage. Chaque établissement a géré le dossier à sa manière ; certains ont choisi de recourir à la première semaine des vacances de printemps, d'autres à la seconde. Le ministère n'a malheureusement pas associé les enseignants à l'étude de ce dossier, c'est pour cela qu'il y a eu cafouillage dans sa gestion. Mais il faut savoir que la plupart des élèves ont préféré profiter de leurs vacances. Donc, il ne peut pas y avoir de cours de rattrapage juste pour une catégorie, si ce n'est des cours de révision, pour éviter que certains ne soient en avance par rapport à d'autres. C'est pour cette raison que je dis que la gestion du dossier s'est faite dans la précipitation, au détriment des élèves. Il faut noter que les enseignants n'ont pas le moral pour assurer des cours de rattrapage. Ayant été maltraités par leur tutelle durant la grève, ils n'ont aucune motivation pour accomplir cette tâche. Alors quelle est, selon vous, la meilleure stratégie pour rattraper le retard pris dans le programme scolaire ? En ce qui nous concerne, nous aurions préféré que le ministère fasse une analyse de la situation et mette en place un plan réfléchi, afin d'aboutir à un résultat. Le dossier devait faire l'objet de consensus entre les trois concernés, à savoir le ministère, les enseignants et les élèves. Ces derniers ont leur mot à dire, c'est-à-dire qu'ils voudront sacrifier leurs vacances ou non. Selon vous, quel est le meilleur plan à mettre en place ? Nous sommes au printemps. Je pense qu'on pourrait profiter de la clarté du jour pour ajouter une demi-heure, voire une heure, au programme horaire de la journée, afin de boucler le programme scolaire. Il faut savoir que les enseignants ont toujours été à la hauteur de leur responsabilité pour terminer le programme à temps. Nous pourrions également utiliser les après-midi de mardi et samedi pour cela. Il n'y a pas lieu de s'alarmer car les enseignants ont l'habitude d'avoir recours à des mécanismes universels, comme ils l'avaient fait en 2003. Ils font preuve de professionnalisme, malgré les sanctions opérées contre eux par le ministère. Vous avez mené depuis la rentrée scolaire plusieurs grèves cycliques pour arracher vos droits socioprofessionnels. Il se trouve que vos doléances n'ont pas été toutes prises en charge. Alors comment évaluez-vous votre mouvement de protestation ? Positif, du moment qu'on a réussi à arracher pas mal d'acquis, notamment la promulgation de la revalorisation des salaires, avec effet rétroactif. Cela concernera toutes les primes et indemnités y compris l'indemnité d'expérience professionnelle et pédagogique (IEPP) et l'indemnité d'amélioration des performances pédagogiques (IAPP) à partir de janvier 2008. Il y a également la promulgation de la loi relative au régime indemnitaire. C'est vrai que beaucoup reste à faire pour arracher d'autres acquis sociaux, comme le dossier de la médecine du travail, les œuvres sociales, la retraite à partir de 25 ans de service, ainsi que le respect des libertés syndicales. Mais il faut reconnaître que notre mouvement de protestation qui a mobilisé 24 600 enseignants a porté ses fruits. Donc, un seul dossier parmi les quatre soulevés à la tutelle a été pris en charge. Par ailleurs, la revalorisation des salaires est jugée plutôt dérisoire, selon les enseignants. Si le ministère de l'Education ne fait rien pour améliorer les conditions de travail des enseignants, quelle sera alors votre attitude ? Nous allons recourir à la grève, qui est un droit constitutionnel que personne ne peut nous interdire. Les grèves cycliques pénalisent les élèves, nous en sommes conscients, mais les enseignants sont à la hauteur de leur responsabilité et nous avons démontré cela à plusieurs reprises, comme je vous l'ai expliqué. Des techniques de rattrapage existent à travers le monde, elles seront mises à profit pour récupérer le retard. Il faut préciser que les syndicats autonomes ne font pas grève par gaieté de cœur. Nous sommes contraints d'utiliser cette méthode pour faire entendre notre voix. Nous voulons être associés aux négociations des dossiers qui nous concernent. Nous dénonçons, dans ce cadre, la tenue de la tripartite sans le partenaire social que nous représentons. La grille des salaires est, effectivement, promulguée sans la participation des syndicats. L'augmentation salariale opérée n'est pas suffisante. Le gouvernement doit mettre en place une politique salariale qui doit tenir compte de l'inflation galopante avec une prime compensatrice. Propos recueillis par