Les procédures d'octroi de crédits à l'investissement et à l'exploitation avec garanties octroyés au promoteur A. A., actuellement sur le sol étranger, étaient-elles légales et conformes aux textes régissant ces pratiques ? Telle est la principale question autour de laquelle les magistrats ont gravité lors de l'audition des 9 inculpés dans cette affaire où, curieusement, il n'y avait pas de partie civile pour réclamer le pseudo préjudice de 47 milliards. Le verdict sera rendu le 14 avril. Comment expliquer l'acharnement de l'appareil judiciaire à vouloir culpabiliser des personnes alors que réellement et à la lecture des rapports d'expertise, notamment celui de l'Inspection générale des finances qui ne signale aucun préjudice subi par la Banque algérienne de développement rural (Badr) ? Comment concevoir un procès sans partie civile ? Autrement dit, comment parler de préjudice alors que le représentant de cet établissement financier, lors de son audition, a confirmé l'absence de préjudice ? Ce sont là les quelques interrogations qu'ont émises bon nombre d'observateurs présents lors de ce procès. Faut-il également relever que les magistrats donnaient l'impression de ne point maîtriser les aspects techniques liés aux procédures bancaires, notamment en matière d'octroi des diverses formes de crédits. Sur ce registre, il convient de nous interroger sur les retombées de la spécialisation des magistrats, entreprise par la tutelle et entrant dans le cadre des réformes engagées. Le PDG, M. Bouyakoub, également membre de la commission d'études des crédits, était le premier inculpé appelé à la barre. Questionné sur les procédures d'octroi des crédits au profit du promoteur A. A. (les trois associés s'étant retirés) à l'origine de la réalisation d'une laiterie, eut pour réponse : «Je n'étais pas présent lors de l'octroi des crédits en question», précisant sa présence lors de la 2e réunion de révision des crédits. Il confirma sa présence lors d'une troisième réunion «pour exiger au promoteur des garanties supplémentaires avec une promesse d'hypothèque notariée», ajoutant que «cet acte notarié était une garantie suffisante pour la banque». Y a-t-il un responsable ? Le magistrat, sur un ton accusateur, lança à ce dernier : «Le PDG est le premier responsable», et Bouyakoub, qui s'étalera sur la complexité des procédures en usant d'un lexique économique, releva «l'absence de préjudice», se référant aux rapports d'expertises élaborés par les inspections des finances mais qui, toutefois, «mentionne des carences en matière de gestion du dossier». A propos du changement d'adresse du promoteur (ce dernier avait déménagé de Dar El Beïda vers un site à Rouiba pour absence d'eau, matière primordiale pour une laiterie) que les magistrats trouveront quelque peu suspect, le premier responsable de même que les autres cadres de la BADR impliqués diront unanimement que «des rapports de constat ont été établis prouvant l'activité de cette entreprise (Sarl El Yasmine) activant à l'aide d'équipements modernes». «Le propriétaire du terrain de Dar El Beïda (7000 m2 dont le coût déclaré est de 46 milliards et présenté comme garantie par le promoteur) s'est plaint», dira le président de l'audience qui releva que «le coût réel du terrain est de 22 milliards», comme pour faire allusion à une malversation dont il n'a pas identifié» les contours. Les autres inculpés, dont des responsables de diverses commissions, avaient également tenté d'expliquer au magistrat que «les crédits obéissaient à des règles et doivent suivre un cheminement du bas vers le haut de la hiérarchie et vice versa», insinuant que la responsabilité était partagé. «Vous avez consenti plusieurs crédits à cette Sarl (11 et 25 milliards de centimes). Pourquoi ?», a lancé le président à un des inculpés ayant occupé le poste de responsable des études et des marchés. «J'ai donné mon avis sur le dossier, le reste était du ressort de la direction générale. Un des inculpés ayant occupé le poste de directeur de l'agriculture et membre du comité des crédits et en réponse à une question relative à des crédits accordés, selon le juge, sans respecter les critères, l'inculpé a été tranchant en rétorquant : «Dans le métier de la banque il y a toujours un risque à partager.» Cette déclaration faisant, bien entendu, allusion aux garanties bloquantes et débloquantes énumérées sur des fiches techniques émises au comité après étude de la part de la DG. Dans son réquisitoire, le procureur requerra des peines de prison allant de 3 à 7 années à l'encontre des 9 inculpés. La défense, pour sa part, ne ménagea pas son langage en employant un ton approprié. «La banque est comme un Etat», martela maître Amara Mohcene pour décrire la hiérarchie et le circuit que doivent emprunter les dossiers des crédits, et d'ajouter d'une manière affirmative : «Les crédits sont donnés par voie normale.» A propos des risques inhérents, l'avocat dira : «Les risques font partie des démarches des banques.» Vers 18h et après une délibération, le président leva la séance en annonçant que «le verdict sera rendu le 14 avril». Une lettre anonyme à l'origine d'une série de procès Il est à rappeler que cette affaire dont les faits remontent à 2005 a été déclenchée suite à une lettre anonyme. Une affaire que maître Amara Mohcene qualifiera de «cabale montée contre le promoteur chargé de la réalisation d'une laiterie dotée de matériel sophistiqué (acquis en Suède) à l'aide de crédits bancaires garantis». S'appuyant sur la correspondance anonyme, le promoteur a été accusé de détournement de deniers publics (crédits non garantis) et condamné à 7 ans de prison par défaut par le tribunal d'El Harrach en 2009. Bien que la chambre d'accusation ait maintenu l'accusation de détournement, et ce, en dépit des expertises élaborées sur sa demande, lesquelles ont prouvé l'absence de malversations, démontant par la même l'accusation de détournement de 47 milliards de centimes retenue à l'encontre du promoteur A. A.