Lorsque le signe batifole, gambade, valse et tournoie au gré d'un imaginaire atavique fécond et des humeurs du moment qui folâtrent, s'ensuivent une sorte de farandole du signe et une symphonie de couleurs qui charment par cet équilibre si harmonieux. Cette multitude de lignes aux contours divers fait une incursion dans un monde abscons et ésotérique dont seul l'artiste Moncef Guita a le secret.Son exposition (du 2 au 14 avril) à la galerie Espace de l'édition Colorset est un émerveillement tant par la technique au point utilisée que par l'esthétique qui en découle. Ces formes diversifiées et ses silhouettes nous introduisent dans l'univers de Guita, qui nous renvoie l'image d'un monde en pleine tourmente malgré ces tons pastel qui appellent à la sérénité. Au-delà de cet aspect de quiétude et de plénitude se lovent cette appréhension et cette angoisse perceptibles pour l'œil aguerri qui déchire les apparences. Moncef raconte à sa manière la saga de la vie avec ses appréhensions, ses inquiétudes, sa tragédie mais aussi sa beauté, ses certitudes et espérances. Comme disait si bien M'hamed Issiakhem, «si le peintre ne vit pas, n'explique pas le drame de sa société, il n'est pas artiste». Guita, bien ancré dans sa société, l'exprime à travers son œuvre pour dire la vie dans toute son ampleur. Le signe est maître dans l'œuvre de Guita. Il prime et plaide pour ce retour aux sources. Ah ! Où sont mes «roots» (mes racines) ? semble dire Moncef Guita. Ses toiles sont un ressourcement et une invitation à un voyage jusqu'aux tréfonds de la nuit des temps. Il restitue ce legs identitaire et culturel originel de notre Algérie plurielle et cette personnalité picturale spécifiquement algérienne. L'artiste draine une vision où s'allient les constantes de l'héritage culturel en se réappropriant l'élément identitaire comme un repère. Il adhère son empreinte indélébile et laisse son imagination divaguer et flâner sur des territoires lointains mais déjà vus. Tantôt on décèle des clins d'œil à Aouchem, tantôt seule la touche personnelle de Moncef domine. La spécificité de ses tableaux concède cette altérité dont il peut se targuer. Guita, le poète Les dénominations de ses œuvres, notamment Talisman, Egérie, la Nef, Anarchie, Nature, Olympe, El Khamsa, La Cité tumultueuse, la Cité silencieuse, Traces plurielles, renvoient à ses propres préoccupations arrimées au patrimoine et à l'existence. Ces lignes, formes et couleurs s'entremêlent chargées d'émotions intenses et affichent une élégance sans pareille. Elles convoquent cette identité et cette mémoire collective. Sa palette colorée aux tons appropriés vert céladon, ocre, rose, gris, bleu céruléen, rouge de prime abord nous introduit dans une atmosphère feutrée tout en témoignant d'incertitudes. La technique de Moncef Guita ? Souvent mixte, du pastel, de l'acrylique, de la peinture à l'huile et du collage. Pour le tableau la Nef des amoureux, Guita explique que «c'est une feuille de papier journal auquel s'est greffé un mélange de peinture rose et gris». Certaines toiles focalisent sur le croissant et l'étoile qui représente selon les propos de l'artiste «l'espoir et la confiance en l'avenir». Artiste à la sensibilité extrême, ce biologiste de formation est également poète à ses heures. Ses vers d'une intense vigueur et d'une beauté extrême sont en osmose avec son art pictural. «Fameuses dentelles de vie et d'espaces de scènes D'exorcisme efficace et de signes éphémères De magie dérisoire, d'arythmie de moments, de couleurs travesties qui maquillent le péril Et les mythes pluriels des mouvements de surfaces Et la trame matricielle des fantasmes fertiles Ont des aiguilles menaçantes de l'horloge intérieure Le goût tendre et pervers des rires asymétriques Et à l'extrême de l'art, le mouvement pendulaire.» Les tableaux de Moncef Guita se déclinent dans la préservation du patrimoine culturel et historique, et dans cet espoir qui point à l'horizon. Son œuvre de haute facture ne défie-t-elle pas le temps ?… depuis la nuit des temps !