Il arrive souvent aux curieux présents dans les salles d'audience de vivre de forts moments d'émotion, à tel point qu'ils regrettent de s'être éplacés vivre de tels moments franchement tuants. En effet, l'affaire du jour a donné naissance à beaucoup d'émotion. La présidente de la section correctionnelle du tribunal d'El Harrach (cour d'Alger) a grondé l'inculpé détenu qui s'était comporté, si l'on peut s'exprimer ainsi, en véritable «kamikaze», en manœuvrant une fâcheuse marche arrière à la vue du barrage des services de sécurité, et ce, en étant dans un état d'ébriété avancé. Moussa B. avait l'esprit ailleurs, croyant probablement à recevoir une volée de bouquets de fleurs. Dans la foulée, la juge lança un vibrant hommage au sang-froid des gendarmes qui n'avaient pas visé le véhicule et tout ce qui s'y trouvait. Et c'est pourquoi les débats avaient été menés d'une bonne manière dans une ambiance bon enfant. Et ce sera l'avocat à la barbe rousse, Me Boukhari de Hussein Dey, qui allait avoir la vedette... Me Tahar Boukhari allait jouer son va-tout face à la redoutable Selma Bedri, la présidente de la section correctionnelle, une juge très bien placée pour savoir ce que risque un inculpé récidiviste, surtout en matière de conduite en état d'ivresse, un délit farouchement combattu par la loi. Et ce sacré Moussa B. devait avoir l'esprit ailleurs ce mardi, lorsque la présidente lui signifia l'inculpation : grave, très grave. Il avait l'esprit ailleurs, car il a dû se dire qu'il était finalement heureux d'être en prison qu'au cimetière. Oui, Moussa a joué avec le feu. Il a joué avec la mort, il a joué avec l'avenir. En effet, ivre mort, il arrivait à vive allure, et à la vue du barrage des services de sécurité, il a stoppé et effectué une fâcheuse marche arrière qui a vu les éléments de la brigade croire qu'ils avaient affaire à un terro, ou pire à un kamikaze ! Et les tirs de sommation auraient pu faire mouche, la voiture ne fut heureusement pas touchée et Moussa aussi. Seulement voilà, Moussa avait été interpellé sain et sauf avec une sacrée trouille pour le simple fait qu'il venait de flirter avec une mort atroce, celle de finir comme une passoire à cause de verres pris de trop. Et encore, c'est un récidiviste, comme le rappellera Bedri, la présidente, à l'avocat à la barbe rousse lequel avait plaidé avec beaucoup d'émotion, et cela se voyait et s'entendait dans le timbre, le ton, l'intonation et même le sourire affiché de telle manière à faire un pied de nez à tout verdict amer, car intelligent, aguerri aux plaidoiries, l'avocat ne se faisait pas trop d'illusions. Le nouveau code de la route met l'accent sur la gravité de la conduite en état d'ivresse, Moussa était au volant soûl et, pis encore, il a voulu éviter le barrage. Un panier de délits ! Faïza Mousrati, la jeune représentante du ministère public, avait envie d'interrompre le plaideur et le sommer de stopper ses propos avec une seconde envie de lancer : «Eh Maître Boukhari ! Voulez-vous cesser de casser mes futures demandes ?» Et comme elle n'a pas la police de l'audience, elle va se contenter de seulement suivre Me Boukhari qui avait prié Bedri d'offrir à Moussa une chance de se rattraper et peut-être de renoncer à l'alcool au volant. - «Et puis, allait ironiser le défenseur, il n'était pas si étourdi que cela puisque, de loin, il avait vu le barrage. Il avait alors freiné et tenté une marche arrière. Une manœuvre qu'il ratera grâce à l'énergique intervention des gendarmes. Il a joué certes avec la mort et mérite une perche», avait récité Me Boukhari qui ne sera pas surpris par les sévères demandes de Mousrati.