Le président Mohamed Abdelaziz a appelé jeudi dernier le peuple sahraoui à «se préparer» à la lutte armée contre l´occupation militaire marocaine du territoire sahraoui qui dure depuis 35 ans. Ce mois de mai, le leader sahraoui avait laissé planer la menace d´une reprise des armes contre l´occupant, le Royaume du Maroc et, pour la première fois, la France, son principal soutien dans le conflit sahraoui. Près de 20 ans après l´annonce du cessez-le feu à Huston, la situation dans la région connaît à nouveau un climat d´avant-guerre que les observateurs qui suivent de près le conflit sahraoui semblent prendre très au sérieux. Tant que subsistait l´espoir d´une solution conforme à la légalité internationale, dans le respect du droit à l´autodétermination du peuple sahraoui, consacrée par les innombrables résolutions du Conseil de sécurité, le cessez-le-feu sur le terrain avait encore une raison d´être. Il semble que ce ne soit plus le cas aujourd´hui pour les dirigeants sahraouis. Brahim Ghali, qui fut le premier ministre de la Défense avant d´être le délégué du Front Polisario à Madrid, après les Accords de Huston, est convaincu, 20 ans plus tard, que «l´erreur» avait été peut-être d´avoir accepté le cessez-le-feu et d´avoir cru aux chances d´un référendum populaire. Pour lui, le Maroc «était au bord d´un démembrement» certain après la débâcle de ses troupes sur le terrain. «Le cessez-le-feu était sa seule chance d´éviter ce démembrement», soutient Brahim Ghali qui n´a pas besoin d´avancer de chiffres sur les pertes de l´armée marocaine, ni de commenter l´état d´esprit des soldats envoyés en première ligne par feu Hassan II avant de les faire retrancher derrière le «mur de sable» construit sur des milliers de km avec l´aide du génie militaire français et d´Israël. Le moral des troupes L´ancien commandant marocain Mahdjoub livre tous les détails de cette débâcle dans le livre qu´il a écrit sur la guerre du Sahara comme il l´a vécue jusqu´au cessez-le-feu. Un «ennemi» ( le Front Polisario) qui connaît parfaitement le terrain, «motivé» et «insaisissable» faisant des milliers de prisonniers à «notre armée» qui était «démoralisée» et «livrée à son sort» par le Palais royal. Voilà un peu le tableau brossé par cet ancien officier des forces armées royales qui explique cette réalité par le «mal profond qui ronge le système monarchiste de la dynastie alaouite». Mahdjoub, un homonyme, ancien officier sahraoui qui a combattu l´occupant, ne fait pas dans l´exagération lorsqu´il évalue par dizaines le nombre de prisonniers marocains faits à chaque opération de guérilla. «L´armée marocaine n´a jamais pu engager d´opérations contre nous. L´initiative c´est le Front Polisario qui l´avait», dit-il. Le président Mohamed Abdelaziz ne faisait pas non plus dans le mépris de l´adversaire quand il évoque la position de «retranchement» de l´armée marocaine derrière le «mur de sable». La construction de ce mur répondait à un double objectif : «contrôler le Sahara utile» avec ses richesses en phosphate», ce qui était la première raison de l´occupation du territoire sahraoui en 1975, et «dresser un bouclier naturel» après évaluation de la situation militaire catastrophique sur le terrain. L´occupant et son appui Cette situation de «ni guerre ni paix» arrangeait également la France dont le gouvernement n´a pas trop intérêt à apporter une aide militaire à son principal allié au Maghreb et encore moins à s´impliquer dans un conflit où, selon l´opinion publique française, l´ancienne puissance coloniale de la région n´a rien à faire. «Mitterrand c´est fini, les colonies, souviens-toi de l´Algérie !», un slogan scandé par les manifestants français au début des années 80 avec la revendication de l´indépendance de la Nouvelle Calédonie par le mouvement canaque de Jean Marie Djibaou, qui sera sans doute réactualisé dans le cas d´une implication française plus ouverte au Sahara occidental. La France n´occupe pas le Sahara occidental, mais elle se conduit en empire colonial dans cette région, encourageant par son attitude au Conseil de sécurité de l´ONU le Maroc à camper sur sa position de refus du droit du peuple sahraoui à l´autodétermination et à poursuivre les violations des droits de l´homme dans cette ancienne colonie espagnole, la seule en Afrique à n´avoir pas été décolonisée. Paris est à Rabat, en fait, ce qu´est un réseau de soutien à une organisation terroriste. Voilà ce que le président sahraoui a voulu dire dans son message à la puissance d´occupation, le Maroc, et au pays, la France, qui apporte assistance à cette occupation, tous deux considérés comme «ennemis du peuple sahraoui».