Un SDF est accueilli par une dame qui lui donne tout, et lorsque nous vous disons, tout, c'est tout. Du maillot de corps à son propre corps, oui, cela existe. Cette fille d'un homme de loi a eu l'idée de se payer un copain plus jeune qu'elle, vigoureux, pauvre mais riche en idées bizarres jusqu'au jour où il voit rouge. Il noircit son avenir, il est au vert. Il rit jaune car son ingratitude lui a valu trois ans ferme pour avoir voulu soutirer sous la menace d'une arme blanche trente-cinq millions de centimes qui n'appartenaient même pas à la copine bienfaitrice, mais à l'homme de loi, le papa qui, fatigué, avait loué le local, un local où les deux tourtereaux ont longtemps roucoulé avant que la malédiction du papa trahi par sa fille qui a souillé l'étude n'entre en jeu et ne descende le château de cartes. Voilà une vieille fille de quarante-cinq ans, assez mignonne pour attirer le regard d'un montagnard descendu en ville à la recherche d'un boulot, d'un toit et de paix. Il vadrouille du côté d'un fast-food. La jolie vieille fille avait fini de mâcher son sandwich, elle commanda un café et attendait lorsque son regard tomba sur celui du SDF qui sourit, ses joues roses rosirent. Du haut de ses cent quatre-vingt-cinq centimètres, il s'aperçut que la bonne vieille fille ne le quittait pas des yeux. Le café était devant elle, le garçon attira son attention, elle le remercia avant de lui demander de ramener un casse-croûte au jeune homme debout. Le garçon chuchota des mots à l'oreille du SDF, ce dernier hocha la tête et alla s'asseoir en face de la «faiseuse de bien» : - «Bonjour, madame», dit le jeune - «Mademoiselle», coupa-t-elle avec un œil qui commença à briller. - «Bonjour... Fatiha ?» - «ça n'a pas d'importance. On m'appelle Sousou.» - «Et moi Koukou», répondit-il dans un grand éclat de rire. Le casse-croûte était déjà devant lui. Une bouteille d'eau minérale complétait le décor. Soussou tira une cigarette et en offrit une à son nouvel ami. - «Merci, je ne fume pas. Je ne bois pas. Je ne...» - «Vous mangez au moins ?», lança-t-elle avant de s'en aller. Le SDF la suivit du regard, il était plus jeune qu'elle de douze ans et avait décidé d'oublier cette bienfaitrice pour reprendre ses recherches de boulot et d'une chambre. Ce que vous venez de parcourir avait été noté depuis la barre où la présidente de la section correctionnelle jugeait Koukou pour agression, menaces de mort. La victime ? Vous l'avez deviné ? Non ? Mais c'est Soussou, voyons ! Ecoutons-la raconter sa tragédie - «Mon père a une étude en sa qualité d'homme de loi près de la retraite, il l'a louée à condition que j'en sois l'assistante, et donc, les clés restent à mon niveau. Ce Koukou que j'ai connu affamé, mal vêtu, sale, m'a mal rendu les services que je lui ai rendus.» - «Par exemple ?», demande la juge. - «Je lui ai offert l'étude pour y dormir, je lui ai acheté des draps, des chaussettes, des...» - «Tout pour le garder, en somme», interrompt la magistrate qui venait en sourire (aussi) de donner le signal au procureur que l'inculpé n'ira pas aux huit années d'emprisonnement réclamées, considérant que le seul port d'arme méritait d'être sanctionné. Le reste s'était fait avec le consentement de Soussou que le papa avait renvoyée au bled, car le scandale qui est né depuis que les gens avaient entendu parler de l'étude, devenue un lieu de débauche, a poussé le père à aller aussi loin dans la sévérité. Koukou, lui, a dû maudire le jour où il quitta sa lointaine contrée montagnarde, descendre en ville, y connaître aussi les délices de la vie quotidienne, mais aussi l'amertume de l'incarcération lourde, lourde, amère, amère et insupportable.