Le monde va s'arrêter de tourner en rond pour se fixer sur un rectangle dans un moment de sublime éternité. La Coupe du monde. Spéciale ? Sûrement. L'Afrique du Sud est une atroce et lente douleur dont le monde aura à laver quelque pan d'une blessure encore béante. Et un tant soit peu sa conscience d'avoir laissé faire, laissé aller l'horreur des décennies durant. Le foot sait faire de belles choses dont l'oubli n'est pas la plus vertueuse. Mais on oubliera quand même, le temps d'une fête qui a suggéré toutes les promesses. Dans la foulée de préparatifs enfiévrés comme toujours ou un peu plus cette foi-ci, on allait presque oublier l'essentiel hasardeusement relégué au rang de détail. Usé par l'âge et le parcours, Nelson Mandela pouvait ne déléguer que son ombre gigantesque à une kermesse aux relents d'ultime bataille à gagner. C'était gagné d'avance et l'ombre aurait largement suffi. Mais il sera là pour compléter le bonheur fugace dune humanité qui en manque trop pour qu'un monument de cette trempe se laisse impressionner par la maladie. L'homme en a vu d'autres et se dérober ne peut pas lui ressembler. L'effort ne fait pas partie de sa vie, c'est sa vie. Alors, demain, il irradiera la planète de son sourire, arc-en ciel nonchalant sur un visage buriné par les moissons. Il viendra, quitte à rester à la maison. Non pas nous rappeler que c'est grâce à lui que tout cela est devenu possible, mais juste esquisser un regard discret mais si lointain qu'il préfigure déjà d'autres champs à défricher. Les champs d'une Afrique du Sud arrachée aux griffes de la bête immonde, mais encore à réinventer. Vaste chantier dont le foot comme sa fête ne peuvent pas encore cacher les verrues. Celles toujours vivaces de la misère et des vieux démons pas totalement enterrés. La fête sera belle comme l'a déjà suffisamment été l'attention des états-majors planétaires du foot dont les élans du cœur ne sont pas la principale vertu. La Coupe du monde en Afrique du Sud ne répare rien. Ni l'abandon d'un immense pays aux ténèbres de la ségrégation, ni l'injustice faite à un continent laissé en rade du progrès. Le foot n'a pas cette prétention, c'est seulement une magie des élans collectifs et des enthousiasmes débordants. Alors, il faut aller à la fête et boire jusqu'à l'ivresse toutes ses folies. Au bout, il y aura autant d'inspiration dans la puérile exubérance du vainqueur que dans la sereine détresse du vaincu. Et tout le reste. Demain la fête. Et advienne que pourra. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir