«Khadda affichiste» est le titre de l'exposition qui se tient à la galerie Mohamed Racim jusqu'au 30 juin. Organisée par l'Union nationale des arts culturels (Unac), cette expo révèle pour le public cet art peu connu en Algérie. Si Khadda avait excellé en peinture à l'huile et en calligraphie, il avait également du talent dans cet art qui est porté essentiellement sur le symbole et la communication. Plus de 30 affiches en couleur, réalisées entre 1962-1988, sont exposées. Elles relatent en sorte ces événements qui se sont déroulés durant cette période et drainent des dates qui resteront dans les mémoires : technique, art et communication sont la somme de toute publicité, et Mohamed Khadda possédait cet art acquis par ses études, mais aussi par sa grande culture. Ces œuvres renseignent sur certaines manifestations économiques, culturelles et artistiques qui se sont déroulées un peu partout en Algérie, ainsi qu'à l'étranger. Certaines de ces affiches sont réalisées pour mettre en avant le festival de musique et chants populaires en 1968, du 1er Festival culturel panafricain d'Alger en 1969, de la 15e Foire internationale d'Alger, du colloque d'histoire «Retentissement de la révolution algérienne» en 1984, du symposium international du Centre national d'études historiques sur l'oralité en 1988. Cette exposition post-mortem se caractérise aussi par des affiches réalisées avec des tableaux de Khadda, notamment à l'occasion du colloque «Mémoire et enseignement de la guerre d'Algérie», organisé à l'Institut du monde arabe (IMA) en 1992 et l'exposition «Les peintres du signe», dans le cadre du 12e Festival transméditerranéen à Grasse, en France, en 1999. L'exposition comprend également des maquettes d'affiches, dont celles réalisées lors du colloque international sur l'écrivain Kateb Yacine (1990), ou encore sur la journée de solidarité avec les femmes sahraouies, et l'exposition «Algérie, expressions multiples» qui avait rassemblé les œuvres des peintres Baya, Issiakhem et Khadda et organisée au Musée des arts africains et océaniens du 24 septembre 1987 au 4 janvier 1988 à Riad El Feth (Alger). Mohammed Khadda est né le 14 mars 1930 à Mostaganem et mort le 4 mai 1991 à Alger. Il est considéré comme l'un des fondateurs de la peinture algérienne contemporaine et l'un des principaux représentants de ce que l'on nomme l'Ecole du signe. En 1944, Khadda ayant obtenu son certificat d'études est embauché à l'imprimerie de Aïn Sefra. Il y commence à dessiner et faire des croquis pour les imprimés à réaliser. Le soir, il fait de la reliure, lisant les livres qui lui sont confiés, Hafid, Djami, Omar Khayyam, Mohamed Abdou, Taha Hussein, Gide, André Breton, Cocteau. Il voit longuement les toiles de Delacroix, Fromentin, Chassériau, Dinet, les sculptures de Rodin et de Bourdelle Vers 1947, Khadda rencontre Abdallah Benanteur, s'inscrit à une école de dessin par correspondance, réalise ses premières aquarelles, puis des pastels et des peintures. Il approfondit son approche de la peinture aux hasards de ses rencontres dans les librairies et aux marchés aux puces. En 1948, il va rendre visite avec Benanteur à un ami hospitalisé au sanatorium de Rivet et découvre le Musée des beaux-arts d'Alger où il voit longuement les toiles de Delacroix, Fromentin, Chassériau, Dinet, les sculptures de Rodin et de Bourdelle. Le sentiment national progresse décisivement en cette époque. Khadda découvre ainsi la pensée de Benbadis, adhère un moment à la jeunesse de l'UDMA de Ferhat Abbas. Il a pour amis l'homme de théâtre Abderrahmane Kaki, Mohammed Tengour, qui milite pour le PPA indépendantiste de Messali Hadj, Mustapha Kaïd, acquis à l'idéal communiste. Il fréquente les ciné-clubs et élargit à travers les films de Cocteau et de Bunuel sa connaissance du surréalisme. Membre fondateur en 1964 de l'Union nationale des arts plastiques, il défend la peinture non figurative violemment dénoncée à cette époque, illustre plusieurs recueils de poèmes (Jean Sénac, Rachid Boudjedra) et crée des décors et costumes pour les théâtres d'Alger et d'Oran (Abdelkader Alloula). Attentif à l'évolution de l'art européen, enrichi de son dialogue depuis le début du siècle avec les expressions des autres continents, Khadda découvre que de grands peintres occidentaux, au-delà de l'intérêt des cubistes pour l'art africain des masques, s'inspirent d'éléments de la culture arabe : «Que Matisse usait élégamment de l'arabesque, que l'admirable Paul Klee était ébloui par l'Orient, que l'américain Mark Tobey reprenait les signes de l'Extrême-Orient. Que Piet Mondrian refaisait, à son insu, les carrés magiques du koufi», purs équilibres, illisibles au premier abord, «entre les pleins et les vides, entre le clair et l'obscur». L'abstraction de Khadda s'appuie sur les éléments plastiques de la graphie arabe. Ses alphabets libres feront de lui l'un des fondateurs de ce que l'on nommera l'Ecole du signe.