«L'Algérie n'est pas pressée d'intégrer l'OMC. Nous avons répondu aux 96 questions émanant de l'Union européenne et nous ne sommes pas pressés d'adhérer à cette organisation», a indiqué il y a quelques jours le ministre du Commerce, Mustapha Benbada. Il a expliqué que l'Algérie souhaite faire partie de ce cercle avec des conditions, à savoir «le respect des intérêts économiques nationaux». Des précisions qui ont fait réagir l'économiste Salah Mouhoubi, qui répond à nos questions sur ce dossier. Pour cet universitaire et ancien cadre de la Banque d'Algérie, «l'adhésion est nécessaire, mais elle doit répondre aux besoins des algériens». Le ministre du Commerce Mustapha Benbada a indiqué il y a quelques jours que l'Algérie n'est pas pressée d'adhérer à l'Organisation mondiale du commerce. Quel est votre point de vue en tant qu'économiste sur ce dossier ? Il faut souligner une chose, qui est récurrente, au sujet de ce dossier d'adhésion à l'OMC. Depuis de très longues années, le débat de l'adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du Commerce est maintenu. Parfois, il a été mis au placard. On ne sait pas encore les véritables raisons qui empêchent l'adhésion de notre pays. Dans ce contexte, il faut insister sur un point, qui est celui de l'adhésion de tous les pays de la planète à l'OMC. Il reste un petit groupe de pays qui ne sont pas encore membres, dont fait partie l'Algérie. Invoquer des raisons liées à la conjoncture financière mondiale et d'autres liées à l'Algérie, pour justifier la non adhésion, alors que les prédécesseurs disaient qu'il était temps de faire partie de cette organisation, illustre la confusion autour de cette question. Personnellement, je ne connais pas les détails de ces soubresauts dans la position algérienne. A mon avis, il faudrait faire une analyse très pointue et objective sur les points positifs et négatifs de cette adhésion. Il faudrait connaître également pourquoi les autres pays sont devenus membres de l'OMC, sauf l'Algérie. Beaucoup de pays ont eu des positions similaires à la nôtre, mais ont finit par adhérer. Comment expliquez-vous ces changements ? Je pense que cette manière de procéder ne peut pas arranger les intérêts de l'Algérie. Il faut trancher une fois pour toutes le nœud gordien. Il faut s'attabler avec les membres de cette organisation afin de trouver des compromis ou faire des concessions de part et d'autre. Mais le but est d'avancer dans le dossier. C'est une organisation qu'on ne peut pas négliger ou sous-estimer. C'est notre économie qui subirait des préjudices. Le ministre qui vient de prendre en charge ce dossier ne devra pas trancher et faire des déclarations qui peuvent être interprétée de diverses manières. Dans la conjoncture actuelle, l'Algérie a besoin d'envoyer un message positif à la communauté internationale. Pour la bonne et simple raison que l'Algérie veut se développer avec des ambitions de devenir une économie moderne et exportatrice. Il ne faut pas donc renoncer à faire partie de l'organisation mondiale du commerce qui regroupe tous les pays de la planète. Quels sont, d'après vous, les avantages que pourront tirer les algériens de cette organisation du commerce ? Sur ce plan, il faudrait se poser la question plutôt sur les capacités de l'Algérie. C'est un pays qui a basé son exportation sur les hydrocarbures et importe tous ses besoins. C'est à partir de ce constat qu'on pourra parler des avantages et des inconvénients de l'adhésion à l'OMC. Mais, il est complètement faux de croire que l'adhésion de l'Algérie à cette organisation n'apportera rien au pays. Il peut y avoir des bénéfices. Il faut seulement travailler pour lever toutes les contraintes posées afin de permettre à l'Algérie d'être membre de cette organisation. On ne peut être en dehors de ce cercle. Est-ce qu'on peut faire confiance à cette institution mondiale qui a été critiquée sévèrement par le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, lors du sommet des pays du groupe 77 ? Le président de la République avait effectivement évoqué la question du fonctionnement de l'OMC. Il a dit que l'OMC devrait permettre aux pays qui n'ont pas adhéré de ne pas poser de conditionnalités. Elle doit favoriser leur l'adhésion. Sur ce point, il a entièrement raison. L'OMC ne doit pas s'apparenter à un club imposant des conditionnalités qui sont contraires à l'intérêt national d'un pays donné. Le message du président était vraiment clair. Les pays en voie de développement souffrent des inégalités des rapports économiques. C'est la raison pour laquelle la déclaration du président devrait être méditée par les négociateurs algériens. L'organisation mondiale du commerce avait exigé de l'Algérie, entre autres, la révision à la hausse des tarifs de l'énergie et du gaz, ainsi que l'ouverture du secteur audiovisuel. Selon vous, à qui doit profiter l'ouverture du champ audiovisuel, aux algériens ou aux étrangers ? Dans ce type de négociations, il faut d'abord poser les intérêts de l'Algérie. Si l'ouverture du champ audiovisuel va profiter aux étrangers, il y a lieu d'être vigilants et discuter sur ces points. Il faudrait prendre en compte les expériences des autres pays. Comment ont-ils fait dans ce domaine et qui a profité réellement de cette ouverture du champ audiovisuel ? C'est bien de savoir si les pays qui ont ouvert leur champ audiovisuel avaient subi des grands préjudices. C'est en fonction de ces données qu'on pourra envisager des réformes. Cependant, nos partenaires, les Etats-Unis d'Amérique et les pays européens, doivent nous aider à trouver les moyens facilitateurs pour l'adhésion de l'Algérie à l'OMC. Ils doivent éviter de poser certaines questions qui ne sont pas dans notre intérêt national. Quant à l'Algérie, elle doit abandonner sa frilosité et avancer dans ce processus d'intégration dans l'économie mondiale. Propos recueillis par Farouk Belhabib