A partir de midi, tous les centres urbains situés sur la RN4 sont paralysés. De nombreux commerces sont fermés, y compris les cafés non climatisés. Les rues sont désertes à partir de 13h, les transports rares, même les mosquées sont vides durant la prière du dohr. Aïn Defla dans toute sa longueur, sur l'axe de feu Relizane-El Khemis, particulièrement dans les villes de Khemis Miliana, Aïn Defla, Rouina et El Attaf où la température en été avoisine légèrement celle d'In Salah. La climatisation a perturbé les programmes de Sonelgaz du fait que plusieurs communes de la wilaya, notamment les communes rurales, enregistrent de fréquentes coupures de courant. Depuis la mi-juillet, le thermomètre n'est pas descendu en dessous des 43 degrés, forçant les citoyens à s'adapter aux nouvelles conditions climatiques. La seule issue pour bon nombre d'entre eux reste l'escapade vers le littoral ou vers les barrages pour les plus démunis, surtout durant le week-end. Ruée vers les transports Les microbus autorisés à se rendre sur le littoral sont réservés deux jours à l'avance par des groupes de jeunes qui spéculent sur les tarifs faisant passer le prix du billet de 250 DA à 350 DA un aller retour pour Chenoua plage et à plus de 500 DA pour les plages de Mostaganem. Faute de transport, de nombreuses familles végètent au niveau de la gare routière pendant des heures sans pouvoir trouver un moyen de locomotion. «Nous avons une camionnette mais nous ne pouvons l'utiliser pour la plage», dit un père d'une famille composée de 9 personnes. «Avec le nouveau code de la route, il est strictement interdit de prendre plus de trois places», fait-il remarquer. D'autres jeunes négocient le prix du billet avec le transporteur. Les bus sont aussi rares à destination des barrages notamment celui de Sidi M'hamed Ben Taïba où l'eau est propre et limpide au niveau du versant est. Mohamed et Yacine d'El Amra sont arrivés en auto-stop. «Nous sommes venus nous rafraîchir», dit le premier cité en enchaînant «nous sommes des étudiants et nos n'avons pas d'argent de poche pour aller à la plage, alors on se contente de l'eau du barrage». On remarquera que les adolescents s'en donnent à cœur joie dans une fosse pleine d'eau. Ils sont plus bronzés que ceux qui fréquentent les plages. «Nous n'avons pas de crème de bronzage mais nous utilisons de l'huile d'olive», dit un jeune dont la peau tend vers le noir. Quand l'eau vient à manquer Dans certains quartiers du chef-lieu de wilaya, l'eau coule H24 des robinets. Les habitants se permettent le luxe de laver leurs voitures. Cependant à Djelida, les citoyens continuent comme par le passé à s'approvisionner en eau à dos d'âne. Ils font la queue dès le lever du jour pour remplir des jerricans. «Nous puisons l'eau de lessive du barrage», signale un adolescent. «J'attends mon tour depuis plus de deux heures», avoue un autre jeune homme. Cette dernière situation est vécue par les habitants de Djemaâ Ouled Cheikh, Tacheta, El Hassania, Bathia, El Mayene et bien d'autres communes de la wilaya où l'eau n'est pas disponible dans les forages, sans parler des pannes engendrées par les coupures de courant. Les habitants du quartier Bir Enn'has ne reçoivent cette denrée qu'une heure par semaine. «Nous achetons ce liquide à 50 DA le jerrican de 20 litres», avoue un citoyen. Au centre de Khemis Miliana, à Djenane Kaddour Belaïd plus particulièrement, les citoyens souffrent des coupures de courant répétées et de manque d'eau potable. «Cela fait deux jours que nous n'avons pas d'eau», dit M'hamed B. La vocation des piscines détournée Le nombre de piscines à travers la wilaya de Aïn Defla se compte sur les doigts d'une seule main. A El Khemis, cette structure, un bien de la municipalité dont la gestion devait être confiée à un particulier adjudicataire, n'a pas encore trouvé preneur. «Les conditions du cahier des charges sont un peu exagérées», avoue un intéressé par cette piscine qui signale que l'APC aurait dû s'y prendre bien avant la période des chaleurs. A Miliana par manque d'eau, les commodités de la piscine servent pour les fêtes de mariages tellement il fait frais le soir. «Dans les années 70, Miliana comptait 3 piscines où les jeunes se rafraîchissaient durant tout l'été. La seule qui reste aujourd'hui n'a de piscine que le nom», dit un nostalgique. Ailleurs, ce sont les bassins d'irrigation qui permettent une trempette, mais à quel prix quand on connaît les risques à encourir, notamment les irritations de la peau. Pourtant certaines communes disposent de belles infrastructures mais très mal exploitées. Des soirées monotones Faute de moyens de distraction et de loisirs, les habitants des cités n'ont pas d'autre choix que de veiller près de leurs immeubles jouant aux dominos ou aux dames tout en profitant d'une légère fraîcheur qui ne commence à se faire sentir qu'après 22 heures. D'autres jouent au scrabble. «C'est pour enrichir nos connaissances en langue française», dit Dr Kouache Kader. Les cafés en plein air attirent quelques cadres qui discutent de politique et de choses de la vie, du Ramadhan, de la flambée des prix des fruits et légumes et surtout de la chaleur persistante. A El Khemis, des jeunes veillent jusqu'à l'aube dans les cybercafés climatisés. «On s'évade en surfant sur internet», déclare Merouane. A la cité Houria, alors que les enfants jouent au ballon sous les lampadaires, les hommes veillent autour d'un thé se racontant des histoires qui n'en finissent pas. A Miliana, le seul endroit où il fait vraiment frais le soir, les familles en petits groupes se dégourdissent les jambes en arpentant les rues sombres de la ville tout en risquant de temps à autre une virée chez le marchand de crème glacée. Femmes et enfants ne rentrent à la maison qu'aux environs de minuit. Enfin, les week-ends surtout, le silence de la nuit est brouillé par des notes de chaâbi parvenant d'une soirée de mariage.