Pour pouvoir joindre les deux bouts entre les vacances d'été, le Ramadhan, l'Aïd et la rentrée scolaire, les familles algériennes s'en sortent grâce à la solidarité familiale. Ou s'endettent. Nardjess réside non loin de Deca plage, à Aïn Taya. Pensionnée, fille de chahid, divorcée et mère d'une célibataire de plus de trente ans qui travaille chez un privé, son revenu mensuel est de 50 000 DA. Elles s'arrangent tant bien que mal pour joindre les deux bouts avec les vacances d'été et le Ramadhan. Cette maman, native de Aïn Taya, et sa fille passent une demi-journée, le week-end, à la plage qui ne se trouve pas loin de leur domicile. Nardjess, qui quittait les lieux accompagnée de sa fille, alors qu'il était 11h30, dira : «J'ai grandi à Aïn Taya mais je viens tôt le matin pour profiter de la mer et nager en maillot.» Pour elle, elle ne peut se permettre d'aller en vacances ailleurs : «Heureusement, nous résidons à côté de la plage. En plus du Ramadhan qui arrive, nous ne pouvons nous permettre des vacances car nous dépensons 2500 DA en courses tous les deux à trois jours, en plus des factures à payer, ce n'est guère évident avec ma pension et le salaire de ma fille, sans oublier le crédit automobile que nous avons contracté.» Cette dame, la soixantaine, lancera : «Nous n'avons pas d'enfants, donc nous ne sommes pas concernées par cette dépense.» Toutefois, elle s'est interrogée sur le sort des familles ayant plusieurs enfants scolarisés. A propos du Ramadhan, Nardjess conclura : «Mes dépenses ne changeront pas, sauf quelques frais en plus, mais la viande, oublions-la !» L'entraide pour des week-ends en bord de mer Plus loin sur la même plage, une grande famille composée de huit femmes, dont deux célibataires, et d'un homme les accompagnant. Il s'agit d'un des six frères de cette famille qui réside à Kouba qui accompagne ses sœurs, ses belle-sœurs et une amie avec les enfants, chacune des six femmes mariées en a entre deux et trois. Les six frères habitent tous dans la même demeure avec leurs parents et chacun contribue selon ses moyens aux dépenses de la famille. Parmi eux, trois petites familles possédant deux salaires qui varient chacun entre 25 et 35 000 DA. Pour se permettre des week-ends au bord de l'eau, les membres de cette famille se sont préparés au Ramadhan et à l'Aïd, ainsi qu'à la rentrée scolaire, chacune des petites familles composant la grande famille a au moins un enfant scolarisé. L'une des belles-sœurs, Yamina, une femme qui travaille et ayant deux enfants, dont le budget global est d'environ 60 000 DA, a fait des économies durant l'année pour pouvoir s'en sortir. Elle a tout acheté avant de partir en vacances pour profiter en compagnie de la grande famille de ces week-ends depuis le début du mois de juillet. Elle confiera : «Sans la solidarité de la famille, nous ne pouvons nous permettre ce petit plaisir.» Son autre belle-sœur, Zina, soutient que «chacune ramène des choses, comme la nourriture, les boissons et les gâteaux, de chez elle sans calculs pour partager ensuite. Grâce à la baraka, tout le monde en profite». Ces femmes, heureuses de passer ces journées en famille dans la joie et la bonne humeur entourées de leurs enfants, indiquent qu'elles dépensent chacune entre 1000 et 1200 DA pour la nourriture, le parasol à 200 DA et les chaises à 100 DA l'une, sans oublier les petits plaisirs comme les jus et les glaces. Radia travaille ainsi que son mari ; à eux deux, leur budget dépasse les 70 000 DA. Véhiculée et ayant deux enfants, elle a dépensé hier 30 000 DA en achats pour le Ramadhan et 3000 DA en vêtements pour l'été et la rentrée scolaire pour une de ses deux enfants. Sa belle-sœur assise à côté d'elle, femme au foyer, a réservé 10 000 DA pour que son fils de 13 ans puisse avoir une nouvelle tenue pour l'Aïd et l'école. Elle dira : «Fort heureusement, cet été il n'y a pas eu beaucoup de mariages.» Elle débourse entre 600 et 1000 DA en cadeaux à chaque occasion, assure-t-elle, appuyée par ses sœurs et ses belle-sœurs, qui ont trouvé l'astuce en donnant de l'argent car «ça rend service même aux mariés». Ghania, enseignante, a mis de côté 10 000 DA pour les mariages et les sorties occasionnelles dans les pizzerias et les salons de glaces. Pour les sœurs, «profiter de la mer est une bénédiction offerte par nos frères car c'est grâce à eux que nous pouvons venir à la plage avec nos enfants puisque nos maris travaillent et ne possèdent pas de véhicules». «Je m'endette pour m'offrir des petits plaisirs en famille» Zineb et son mari Mohamed, habitant Bougara (Blida), ont trois enfants dont l'une est scolarisée dans une crèche privée pour laquelle 50 000 DA sont déboursés annuellement. Ils sont venus à la plage accompagnés de la grand-mère et de cinq neveux en bas âge pour profiter du week-end au bord de l'eau. Cette petite famille, dont le budget varie chaque mois car le chef de famille est entrepreneur, n'y a pas eu de vacances hors d'Alger à cause du nouveau-né. Habituellement, la petite famille se rendait dans l'ouest du pays, à Maghnia, chez le frère du mari, nourrie et logée ; pourtant elle dépensait autour de 20 000 DA. La famille débourse sans compter à chacune de ses sorties à la plage : 3000 DA pour la nourriture, les parasols et autres dépenses occasionnelles. Mohamed dira : «Sans la solidarité familiale je ne peux me permettre de passer des vacances en Algérie. N'était mon frère qui nous accueille chaque été, je ne pourrais sortir de Bougara. Il me reste que les plages d'Alger pour offrir une journée par semaine à ma famille au bord de la mer.» Il ne manquera pas de confier que «parfois, je m'endette de 10 à 20 000 DA pour ces semblants de vacances». Pour le Ramadhan, le couple dépense environ 30 000 DA à raison de 4500 DA pour chaque course, avec un supplément pour les petits plaisirs du Ramadhan. Enfin, les deux époux lancent de concert : «Heureusement que nous sommes propriétaires de notre maison, sinon nous n'arriverons jamais à joindre les deux bouts.» Ces familles, en dépit de la cherté de la vie, estiment-ils, se rendent chaque week-end sur les plages, jusqu'à la veille du Ramadhan.