«Nous avons toujours réussi, grâce à nos économies et à l'emprunt, à nous assurer une table bien garnie durant le Ramadhan.» C'est un mois de privation, mais que voulez-vous, nous sommes bien obligés d'améliorer notre ordinaire pour récupérer de la faim et du stress de la journée» , affirme un Oranais qui ne manquera pas de lancer un ouf de dépit en constatant que des commerçants n'ont pas attendu l'arrivée du mois sacré pour donner un coup d'accélérateur à la hausse des prix de certains produits. Un tour dans les marchés du centre-ville donne une idée sur ce qui attend les ménages durant le Ramadhan. Des produits qui étaient disponibles et accessibles commencent à se raréfier et surtout à s'afficher à des prix déjà majorés. «Ils ont commencé à mettre en place leur dispositif de renchérissement des prix. Ils organisent des pénuries programmées pour inonder par la suite le marché à des prix qui défient toute logique. Le poivron à titre d'exemple qui est actuellement produit en serre commence à disparaître des étals, alors que nous sommes en plein été, une saison où il donne toute sa quintessence», dira un autre Oranais. Pour faire face à cette envolée des prix, les Oranais ont pris l'habitude de stocker certains produits quelques mois avant l'arrivée du mois sacré. «Nous avons pris cette habitude depuis des générations. Certaines familles arrivent à économiser un peu d'argent qui leur permet de faire face aux dépenses durant cette période de l'année. D'autres recourent à l'emprunt auprès de certains usuriers ou via le prêt sur gages. Allez voir du côté de l'agence BDL Yougoslavie et vous verrez le nombre de femmes et d'hommes qui se disputent les places dès les premières heures de la journée. «Ils viennent de toute la région ouest du pays car c'est l'unique agence qui couvre les besoins des quatorze wilayas de l'Oranie», affirme un habitant d'Oran. Une vieille femme que nous avons rencontrée ne se privera pas de dire que depuis des années, elle affronte les dépenses du Ramadhan en recourant au prêt sur gage. «Le mont de piété me permet de ne pas priver ma famille. J'y ai recours pour les dépenses du ramadhan et pour l'Aïd. Vous savez, il existe un vieux dicton chez nous qui dit lehdayed lechdayed (les bracelets sont pour les temps durs, allusion à ses bracelets et autres bijoux en or). Quelques jours avant le début du Ramadhan je gage mon or et après l'aïd j'entame les remboursements pour récupérer mon bien et pouvoir ainsi les déposer à la banque pour faire face à une autre dépense», dira-t-elle. Certains vendent leurs biens Plusieurs familles oranaises reconnaissent que par les temps qui courent, il est difficile pour elles d'économiser un peu d'argent. «Ce n'est pas possible, vous connaissez les niveaux des salaires qui n'assurent même pas les deux bouts du mois. Nous avons pris l'habitude de stocker certains produits et de recourir aux prêts. Les économies, ce n'est plus possible maintenant. Moi je connais des familles qui vendent certains biens pour faire face aux dépenses du mois sacré. C'est devenu une habitude et nous la vivons depuis des années», dira un salarié. Des familles, notamment du vieil Oran ont entamé depuis des mois les préparatifs pour le ramadhan. Elles ont procédé au grand nettoyage de leurs demeures, les ont badigeonnées de chaux et mis dans leurs placards les provisions pour le mois sacré. «Les épices pour lahrira et El maâqoda, ma mère les a préparées depuis près de deux mois. Il ne nous restera plus qu'à faire les commissions du jour pour nous assurer une table bien garnie à l'heure de la rupture du jeûne», affirme un oranais qui ne manquera pas de souligner que tout cela a un prix et que les fonds proviennent essentiellement du prêt sur gage.