Des investisseurs tunisiens n'arrivent pas à s'adapter aux dernières mesures relatives à l'investissement direct étranger en Algérie instituées dans le cadre des lois de finances. Pour les partenaires de l'Algérie, il s'agit d'une remise en cause de toute intention d'investissement dans le pays. On évoque même une «préférence nationale aux dépens de la préférence maghrébine». L'Algérie a promulgué, selon eux, des textes de loi peu incitatifs à l'investissement étranger. Les mesures prises dans le cadre de la LFC 2009 et celle de 2010 stipulent, entre autres, la conservation de la majorité du capital (51%) dans tous les projets d'investissement impliquant les étrangers, la révision à la hausse de la marge de préférence nationale qui passe de15 à 25% dans les marchés publics. Les dispositions prévoient, en outre, l'obligation de recours à l'appel d'offres national exclusivement lorsque la production nationale ou l'outil local de production est en mesure de satisfaire les besoins du service contractant. Premières entreprises à se considérer victimes de cet arsenal législatif : les entreprises maghrébines, et surtout tunisiennes. Selon le quotidien électronique tunisien Webmanagercenter, plusieurs entreprises ont eu déjà à subir de plein fouet l'impact de ces mesures. Le journal cite le cas de deux entreprises. Il s'agit de Alkimia, spécialisée dans la production et la commercialisation du tripolyphosphate de sodium (STTP), ingrédient de base utilisé dans la fabrication des produits d'entretien, qui a racheté, en 2006, 25% du capital de l'usine de STTP algérienne Kimial, localisée à Annaba. Alkimia a été amenée, après signature du contrat, à réviser à la hausse le montant de l'acquisition et à acheter en Chine le matériel de mise à niveau de Kimial. Prise de court par la LFC 2009, Gif Filter, fabricant de filtres à huile, air et carburant pour véhicules légers, poids lourds, engins et machines, a décidé de suspendre ses projets dans ce marché voisin. La société n'a pu réunir toutes les conditions exigées par cette nouvelle loi. Gif Filter a, en effet, proposé une augmentation de capital qui aurait dû avoir lieu à l'occasion de l'assemblée générale extraordinaire, fixée au 20 août 2009. Une augmentation de capital qui entre dans le cadre du programme de développement à l'international de la société avec comme première étape son implantation industrielle en Algérie. L'impact des mesures Avant la promulgation de ces législations qui consacrent la préférence nationale, des entreprises tunisiennes ont pu réussi à s'imposer sur le marché algérien. A titre indicatif, il y a lieu de citer, sur le plan industriel, la Société Tunisienne de Biscuit (Sotubi), filiale du groupe Mabrouk, partenaire de Géant (distribution) et le groupe français Danone qui a créé, à Alger, une entreprise spécialisée dans la fabrication de biscuits. A son tour, Carthago Ceramic, filiale du groupe Poulina, spécialisée dans la fabrication de la céramique, a décidé de se délocaliser en Algérie. L'entreprise a réalisé depuis, au sud-est de l'Algérie à 250 km de la frontière tunisienne, une usine avec un partenaire local. Coût de l'investissement : 18 millions d'euros environ. Toujours dans l'industrie, Altéa Packaging, groupe tunisien leader en emballage, a investi dix millions d'euros en Algérie. Il va y construire tout un site. L'Accumulateur Assad est déjà présent en Algérie depuis 2006. La société Tunisie Profilés Aluminium va ouvrir, d'ici la fin de cette année, une usine, moyennant un investissement de 16 millions d'euros environ. Au rayon des services, Amen Bank, 2e banque privée de Tunisie avec 9% de parts de marché, s'est associée à deux fonds d'investissement, l'un de dimension maghrébine et l'autre de dimension africaine, pour créer en Algérie une banque dotée d'un capital de 50 millions de dinars (28,5 millions d'euros) dont 55% seront détenus par Amen Bank. Les hommes d'affaires tunisiens, à l'instar des investisseurs étrangers, déjà opérationnels en Algérie ou qui ont manifesté leur intention de s'y implanter, ne peuvent pas rester indifférents. Ils ont de quoi s'interroger sur l'opportunité de ces mesures, souligne la presse tunisienne. Cependant, les autorités algériennes ont expliqué à maintes reprises que les mesures prises dans le cadre des LFC ne sont pas à l'encontre des IDE, mais visent à développer l'économie locale et à la création de richesse par des algériens, ainsi qu'éviter les situations de spéculation et de monopole des sociétés détenues par des étrangers. Les expériences des groupes étrangers, notamment Orascom Holding, Lafarge Constructions et ArcelorMittal ont démontré la mauvaise intention des IDE envers le marché algérien, ce qui a conduit à la modification des mesures de soutien et d'encadrement à l'investissement. A titre d'exemple, des cessions d'actifs et des changements de propriété ont été opérés par certaines investisseurs étrangers à l'insu de l'Etat et sans débourser un centime au Trésor public.