L'instauration obligatoire du mode de paiement des importations par crédit documentaire suite à la loi de finances complémentaire 2009 tend à paralyser l'outil de production nationale. Appelés à mobiliser leur trésorerie avant la réception de la marchandise, les opérateurs algériens ont interpellé les pouvoirs publics pour des facilitations en faveur des importations de matières premières et de pièces de rechange. Aujourd'hui, tous les regards sont braqués sur le projet de la LFC 2010 qui devrait apporter des dérogations en faveur du secteur productif. Le président de l'Union nationale des opérateurs de pharmacie, Amar Ziad, nous a indiqué hier avoir saisi officiellement le ministre de la Santé et de la population lors d'une réunion tenue récemment au sujet des conséquences de l'obligation du crédit documentaire faite aussi bien aux entreprises de production qu'aux importateurs versés dans la revente en l'état. «Nous sommes dans une situation inquiétante. Les entreprises doivent mobiliser la moitié de leur chiffre d'affaires aux opérations d'importation en raison de cette disposition qui oblige à payer avant de recevoir la marchandise. Auparavant, nous étions plus à l'aise avec la remise documentaire et le crédit fournisseur qui permettaient le paiement dans un délai de 6 mois. Aujourd'hui, nous nous retrouvons avec des problèmes de trésorerie et de rupture de stock. Le ministre de la Santé a promis de transmettre nos doléances aux services du Premier ministère en vue de trouver la solution idoine qui tient compte de la fragilité du tissu économique national, notamment de Pme n'ayant pas les moyens financiers nécessaires», a signalé le président de l'UNOP, persuadé que l'obligation n'arrange pas l'avenir des sociétés de droit algérien. Il se trouve que des entreprises publiques sont également pénalisées par ce mode de paiement des importations. Après les déclarations du PDG d'Air Algérie, Abdelwaheb Bouabdallah, sur les conséquences du crédit documentaire sur la compagnie aérienne confrontée à la rigidité bancaire en matière d'importation de pièces de rechange et des conditions de paiement, nous avons appris hier que le groupe public de fabrication de médicament Saidal a saisi officiellement le ministre de la Santé, le docteur Djamel Oueld Abbas, des difficultés rencontrées en matière d'importation de matières premières en raison du crédit documentaire. La pharmacie centrale des hôpitaux a également déploré le nouveau mode de paiement des importations en adressant une requête au ministère de la Santé. Les achats à l'international pèsent, selon les opérateurs cités, sur les caisses des entreprises sommées désormais à payer avant de recevoir la marchandise pendant des périodes pouvant aller jusqu'à trois mois. Des cadres d'agences bancaires ont reconnu également les conséquences du crédit documentaire, le considérant au passage comme un moyen sécurisant mais coûteux pour les opérateurs algériens. Ils signalent dans ce contexte les conséquences sur les entreprises qui ne sont pas versées dans la revente en l'Etat à travers la mobilisation de leur trésorerie. Parmi les autres avantages de ce système, ils citent la traçabilité et la transparence dans les transactions bancaires, conférant à l'Algérie une image très positive vis-à-vis de ses pays fournisseurs, celle d'un Etat solvable. Les propositions du patronat Toutefois, les organisations patronales ne sont pas de cet avis et militent pour l'adoption de mesures de facilitation en la matière au profit des entreprises productrices. Le président de la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA), Mohamed Nait Abdelaziz, a plaidé au niveau du gouvernement pour des dispositions spécifiques en faveur des PME afin qu'elles puissent importer sans mobiliser leurs trésoreries. «Nous avons demandé des seuils d'autorisation d'importation de 2 millions de dinars par trimestre et par entreprise. C'est indispensable, car on ne peut mettre sur un pied d'égalité un producteur qui crée de l'emploi et finance l'économie et un importateur versé dans le commerce. Sur ce point, nous avons perçu une disponibilité de la part des autorités publiques et nous espérons que la loi de finances complémentaire 2010 apportera les dispositions nécessaires dans ce domaine», a ajouté le président de la CNPA, tout en faisant part de l'inquiétude des entreprises algériennes quant aux conséquences de la LFC 2009 qui a chamboulé l'économie du pays. Dans son côté, l'Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA) a souligné, dans un communiqué parvenu à notre rédaction, sa perception de ce système de paiement. «L'AGEA adhère pleinement à ce choix dans la mesure où le Crédoc sera utilisé de manière efficiente dans l'intérêt de l'entreprise algérienne et en adéquation avec les orientations de l'Etat sur la protection de l'économie nationale. Toutefois, protection de l'économie nationale ne signifie pas ingérence dans la relation commerciale par excellence qui lie l'entreprise algérienne, la banque algérienne et le fournisseur étranger. «Le crédoc doit être assimilé à un moyen fluide et efficace qui garantit la règle de commercialité tout en préservant les intérêts économiques et juridiques des parties en présence», lit-on dans ce document. Le président de l'AGEA, M. Khelloufi, propose que soit mis en action un mécanisme souple de transfert des biens et services parallèlement au transfert des moyens de paiement dans les délais raisonnables reconnus universellement. De l'avis des opérateurs et également des banquiers, l'instauration du crédit documentaire n'a pas pénalisé les importateurs, mais beaucoup plus les entreprises. Les importateurs versés dans la revente en l'état ont répercuté les nouvelles procédures et les taxes instaurées sur les prix de leurs produits, sachant pertinemment que les consommateurs algériens n'auront pas le choix, car la production locale peine encore à se développer. Aujourd'hui, les réactions contre la LFC 2009 parviennent plutôt des entreprises de production publique et privée.