L'obligation de recours à la monnaie scripturale (chèques ou cartes bancaires) pour tout paiement supérieur à 500 000 DA adoptée récemment sera difficile à appliquer, reconnaissent hier des banquiers et des opérateurs économiques. La culture du règlement cash est ancrée dans le monde des affaires, surtout dans le secteur de l'immobilier miné par les fausses déclarations. En effet, des cadres de banques publiques et privées s'exprimant sous le couvert de l'anonymat sont incertains quant au résultat de cette mesure dont l'entrée en vigueur devra intervenir à partir du 31 mars 2011. «Les ventes et achats de biens immobiliers se font toujours en dehors du circuit bancaire. Les acteurs de cette filière ne déclarent pas la valeur réelle de leurs transactions au niveau des notaires afin d'éviter le paiement des impôts. Même lorsqu'il y a une opération de vente qui se fait par les biens de la banque, surtout dans le cadre de la promesse de vente faites aux acquéreurs sollicitant un crédit immobilier, il existe des modalités de paiement inadmissibles, à savoir le paiement des impôts par l'acquéreur et non par le vendeur, qui s'opère au noir. Je ne suis pas convaincu que les agences immobilières et les acteurs de cette filière puissent respecter cette mesure de paiement par chèque», tient à signaler un banquier. Les agences immobilières et bien d'autres acteurs économiques ont adopté le cash en raison des dysfonctionnements de la sphère bancaire. Si les délais d'encaissement des chèques sont relativement réduits en moyenne à une semaine, l'émission des chèques sans provision est vraiment appréhendée, sachant que les tentatives de fraude en la matière demeurent importantes en Algérie, selon les professionnels. «Il existe en réalité une méfiance vis-à-vis du chèque même au sein des banques et des entreprises, n'hésitant pas à demander aux clients de payer cash. Les banques ont investi d'ailleurs dans le recrutement massif de caissiers étant donné l'ampleur de l'usage de la «chekara» dans le pays. «Le basculement vers le chèque ne sera pas facile, car le poids de l'informel dans le monde économique est encore sous-estimé. Il y a également cette crainte des conditions de retrait et de dépôt de fonds. Les banques exigent la provenance des fonds lorsque la somme dépasse le 1 million de dinars. Pour les retraits des sommes dépassant les 250 000 dinars, le client doit formuler sa demande la veille. Autant d'instructions qui ne motiveront pas la sphère d'affaires à passer par le réseau bancaire algérien considéré comme très contraignant», indique-t-on encore. Les tentatives de fraude sont également redoutées, surtout après les dernières décisions de dépénalisation de l'acte d'émission de chèque sans provision. Du coup, les services de la justice risquent d'être submergés par les affaires de chèque établis sans provision. La place de l'informel dans le circuit économique rend difficile le processus de bancarisation et d'organisation du marché. Il reste beaucoup de choses à faire pour que l'usage du chèque ou de la carte bancaire devienne un acte normal et couvre les opérations courantes. Le taux de bancarisation est encore faible dans le pays avec une moyenne de 30 000 clients par agence bancaire. L'usage de la carte magnétique est à encore ses débuts avec uniquement l'option de retrait. Un gain de temps considérable Toutefois, des professionnels que nous avons sollicités au sujet de cette mesure sont plutôt optimistes. Les banques algériennes sont entièrement préparés et en mesure de réussir cette opération. Les systèmes de télécompensation des instruments de paiement au niveau du système bancaire sont performants. L'instauration du chèque est de nature à permettre la sécurité des transactions et éviter le vol ainsi que la manipulation de billets. C'est aussi un gain de temps considérable aussi bien pour les banques que pour les clients.