Suite à l'exposition par le ministre des Finances, Karim Djoudi, de la situation économique et financière du pays et ses perspectives, à l'occasion de la réunion restreinte d'évaluation consacrée au secteur des finances tenue avec président de la République, le docteur Salah Mouhoubi revient sur certaines questions qui ont été évoquées. Dans cet entretien, il plaide notamment pour de plus amples explications concernant, à titre d'exemple, la hausse de la dette publique interne. Le Temps d'Algérie : Quelle lecture faites-vous du taux de croissance annoncé par le ministre des Finances ? Salah Mouhoubi : Certes, le bilan avancé par le ministre évoque une croissance hors hydrocarbures tirée par le secteur agricole et celui des BTPH mais, malheureusement, rien n'a été dit concernant la contribution des autres secteurs comme le tourisme et l'industrie, alors que ce sont des secteurs très importants. Ce qui signifie que leur contribution est marginale dans la croissance hors hydrocarbures. Concernant le taux, une double question se pose. C'est un taux qui n'est pas très élevé par rapport aux investissements consentis dans les secteurs de l'agriculture et des BTPH. Il faut savoir aussi que la croissance en Algérie est tirée exclusivement par les investissements publics dans ces secteurs. Pour des investissements aussi importants, les résultats ne sont pas satisfaisants. Concernant l'agriculture, c'est un secteur qui dépend de l'aléa climatique. Cela veut dire que le taux de croissance hors hydrocarbures est aléatoire. A très long terme, cette croissance hors hydrocarbures ne serait pas très pertinente, dans la mesure où elle ne dépend que des investissements publics. Que pensez-vous de la hausse de la dette interne alors que le ministre des Finances, Karim Djoudi, parle d'une stabilité de cette dette ? Je dirai tout simplement qu'il ne s'agit pas d'une stabilisation de la dette publique puisque, entre 2008 et 2009, la dette interne a augmenté de 80 milliards DA, soit une hausse de 10%. Il y a plutôt une aggravation de la dette publique interne alors qu'aucune explication n'a été donnée à ce sujet, sachant que les pouvoirs publics ont déclaré que l'objectif était de réduire la dette interne. Le ministre des Finances n'a pas donné toutes les explications nécessaires. Vous estimez donc que d'autres explications doivent être données par le département de Karim Djoudi ? Tout à fait, car il faut expliquer cette hausse de 10% de la dette interne, qui est au demeurant très importante. L'Algérie a enregistré une croissance tirée principalement par l'agriculture et les BTPH, un recul des exportations d'hydrocarbures, une augmentation de la dette publique interne. Quelles sont les solutions que vous préconisez ? Toutes les données fournies par le ministre des Finances indiquent que le pays est fragile sur le plan financier et économique. Le recul des exportations hors hydrocarbures et de pétrole, l'augmentation de la dette publique, une croissance tirée par la dépense publique sont autant de signes préoccupants. La meilleure manière de les prendre en charge est d'engager de plus grands efforts pour diversifier l'économie, et ce, en des temps records, car l'Algérie vit grâce aux exportations des hydrocarbures. Il faut s'inscrire dans une nouvelle stratégie de développement qui privilégie la création de richesses, l'encouragement de l'investissement productif y compris étranger. Il faudra aussi revoir la conception de la gestion de la finance publique. Il faut cesser de faire uniquement de la dépense publique et avoir, par contre, une politique budgétaire. Je constate, malheureusement, que nous sommes loin de cet objectif.