A chaque opération de distribution de logements, à la moindre coupure de courant électrique, pour manque d'infrastructures ou encore en raison d'accidents de la circulation, c'est l'émeute. Résultat : routes barrées, pneus incendiés, sièges des APC fermés et des dizaines de blessés, parfois des morts, dans des affrontements souvent d'une rare violence. Résultat d'un «marasme social», l'émeute est devenue le seul mode d'expression généralisée à toutes les régions du pays. Si les pouvoirs publics sont les premiers à être interpellés, les partis politiques qui gèrent plusieurs communes, lesquelles sont appelées à prendre en charge les préoccupations des citoyens, ne sont pas étrangers à cette situation. Qu'en pensent-ils ? Joint hier par Le Temps d'Algérie, Kassa Aïssi, chargé de la communication au Front de libération nationale (FLN), considère que «le phénomène de la recrudescence des émeutes comme unique moyen d'expression requiert des études approfondies». Tout en s'interrogeant sur l'intérêt des émeutes «dont les raisons du déclenchement sont multiples», balayant ainsi la voie du dialogue autrefois mis en avant dans tout règlement de conflits, Kassa Aïssi, lui-même élu à l'APW d'Alger, estime que l'élu a pour vocation d'être l'intermédiaire entre la population et les pouvoirs publics en exprimant les préoccupations de ses électeurs. Il n'en demeure pas, selon la même voix, que si les préoccupations ne sont pas prises en charge par les parties concernées, c'est l'accumulation des problèmes et la disqualification de fait de l'élu. «Cela ne veut en aucun cas dire que l'élu est exempt de toute erreur ou responsabilité» explique Aïssi. Pour ce qui est du FLN, notre interlocuteur rappelle que son parti organise régulièrement des rencontres avec les citoyens mais reconnaît que la situation est complexe. «La situation nous interpelle tous» Citant l'exemple de l'opération de relogement de 7000 familles dans la capitale, notre interlocuteur, qui regrette la violence qu'a engendrée l'opération, œuvre de certaines gens qui s'estiment lésées, fait remarquer cependant que «pas tout ceux qui protestent ont raison», soupçonnant «certains esprits houmistes» et un «particularisme local» d'être derrière ces manifestations de violence faisant fi des lois de la République et du civisme. «Cette situation nous interpelle tous», conclura le responsable du FLN avant de préconiser la réhabilitation du rôle de l'élu en tant qu'intermédiaire. Le langage des pneus brûlés Expliquant «les raisons de la violence», le secrétaire général du mouvement El Islah, Djamel Benabdeslam, affirme dans une déclaration au Temps d'Algérie que l'absence du dialogue entre le citoyen et les pouvoirs locaux ou central «qui ont perdu toute crédibilité», a engendré l'expression des revendications sociales par l'émeute. «Le commun des citoyens sait aujourd'hui que l'Etat ne comprend que le langage des pneus brûlés», tranche-t-il, avant de considérer que cet état de fait est la conséquence de la «hogra» et de l'injustice. Interrogé sur l'absence des partis sur le terrain et le rôle de l'élu dans la gestion des conflits, Benabdeslam croit savoir que les «élections truquées ont écarté les réels représentants du peuple», sans toutefois expliquer l'inactivité des partis. «La majorité des élus est préfabriquée», dit-il, alors que les quelques élus honnêtes, selon lui, «sont enchaînés par les décisions de l'administration». «Des solutions à l'échelle nationale» Pour Ramdhane Taazibt du Parti des travailleurs (PT), l'Algérie a connu un retard immense et des problèmes qui se sont accumulés après une période difficile (terrorisme). Mais selon lui, «maintenant que les choses reprennent, il est légitime pour le citoyen de revendiquer l'amélioration de ses conditions de vie». Notre interlocuteur regrette toutefois le manque de dialogue, mais affirme que l'Etat a beaucoup fait notamment pour résoudre le problème du logement. S'il reconnaît à demi-mot l'absence des partis sur le terrain notamment à travers leurs élus locaux, Tâazibt estime que la majorité des problèmes soulevés par les citoyens ne se règlent pas à l'échelle locale. «Les élus du PT font de leur mieux et rencontrent souvent les populations. Ils peuvent recenser les problèmes et proposer des solutions», explique-t-il, ajoutant dans la foulée que les partis «proposent des solutions à l'échelle nationale». Absence de politique du dialogue ou absence d'intermédiaire ou d'interlocuteurs ? En tout cas, une chose est sûre ? Ce ne sont pas les discours qui apaisent les tensions, ce sont plutôt les actes.