L'Algérien n'a pas dénoué avec l'émeute qui reste un moyen d'expression de la société des plus utilisés. Face à des situations incompréhensibles pour des citoyens vivant dans une Algérie indépendante depuis près de 50 ans et des perspectives encore plus difficiles à définir, ces derniers explosent violemment, mettant à feu et à sang tout ce qui entrave leur chemin. D'une simple coupure d'électricité jusqu'à l'effondrement d'une maison sur ses occupants, tout est sujet à la révolte. En réalité, le fait au cœur d'une émeute n'est que «la goutte qui fera déborder le vase». L'origine des troubles n'est qu'un cumul de colères et d'exaspérations face à une situation sociale difficile : pas de travail, pas de logement… en un mot pas d'avenir. Il y a aussi ce sentiment de délaissement ressenti par les habitants des régions enclavées qui ne sont, parfois, même pas raccordés au réseau d'AEP et d'électricité. Rappelons, à titre d'exemple, la centaine de jeunes d'une localité de la wilaya de Chlef qui ont décidé, il y a trois semaines, de barrer la RN11 suite à la mort accidentelle d'un des leurs. Le deuxième en l'espace de trois jours. Ces deux terribles accidents ont mis en émoi la population qui a décidé d'agir… en barricadant la route. Leurs revendications ? Des ralentisseurs ou l'installation d'un barrage fixe sur cette route nationale. N'est-ce pas là le rôle du premier responsable municipal que d'exiger des ralentisseurs sur une route qui traverse la commune dont il a la gestion ? Pour un problème similaire, des enfants d'Aïn Beïda, à Ouargla, ont paralysé toute la localité. Le décès tragique d'un vieil homme dans un accident de la circulation a provoqué le courroux des jeunes qui ont incendié le véhicule de l'auteur du drame. Mais à Ouargla, la frustration est générale. La population s'estime oubliée du pouvoir et injustement traitée. C'est au cœur de cette région que de jeunes chômeurs sortent périodiquement dans la rue pour dénoncer la mafia de l'embauche, bloquant les routes, incendiant des voitures et brûlant des pneus. Le travail, suivi du logement, ont été généralement les deux première sources des émeutes en Algérie. Le mois dernier, d'ailleurs, à Annaba, une marche improvisée d'une centaine de citoyens qui entendaient protester contre les mesures prises par les gardes-côtes installés récemment pour réglementer l'activité de la pêche dans cette localité, a dégénéré en émeute. Kouba a connu des troubles à la suite de la saisie par les policiers des étals de jeunes vendeurs de produits pyrotechniques. Ces jeunes sans-emploi ont incendié des pneus et endommagé un véhicule de la police par des jets de pierres. Même scénario à Mostaganem, à proximité du souk d'Aïn Sefra, après l'interdiction aux vendeurs ambulants de squatter les lieux. Des manifestants scandaient d'une même voix : «Halte à la hogra ! Nous sommes là pour subvenir aux besoins de nos familles.» Les exemples de citoyens en colère sont légion et il est clair que le mode d'exercice du pouvoir et les formes de représentation font partie de l'énoncé du problème. Face à l'absence de propositions concrètes et d'alternatives, l'Algérien continuera à vivre entre apathie et révolte. Le pouvoir ne pourra pas se contenter de quelques gestes dans l'espoir d'éteindre les incendies ici et là. A trop laisser les choses s'accumuler, l'émeute du «pain» sera bientôt au rendez-vous. H. Y.