La petite bourse algérienne qui malheureusement représente l'écrasante majorité actuellement est vraiment dans l'impasse. Après les dépenses du mois de Ramadhan qui arrive pour vider les poches, voilà la fête de l'Aïd El Fitr qui pointe le nez. L'Aïd ne passe pas inaperçu dans notre société puisque ses exigences sont à un certain degré similaires au mois qui la précède. Une virée à la place d'Alger a suffi pour prendre la température du marché. Les fruits et légumes sont restés au même niveau. «Nous n'avons rien vu de nouveau depuis le début du Ramadhan, toutes les promesses sur les baisses des prix se sont avérées vaines», constate Hicham. Avant que son ami lui emboîte le pas : «Je peux dire que la situation a empiré, car au début du mois de Ramadhan, les gens ont plus ou moins un peu d'argent de côté en prévision de ce mois justement, mais après la première semaine les budgets commencent à sentir le coup, car aucun foyer ne peut se permettre le luxe sur la table au quotidien, nous sommes fonctionnaires et nous savons ce que c'est.» Le même constat a été dressé par Ammi Omar, vendeur de légumes au marché de Chéraga : «Il est vrai que les premiers jours de ce mois de Ramadhan, nous avons travaillé un peu, car les gens étaient stressés par rapport aux prix des légumes, mais dès la première semaine passée, nous stagnons. Les sept premiers jours je faisais tous le marché de gros quotidiennement, mais depuis c'est une fois tous les trois jours, car même la vente a chuté, les gens n'ont plus d'argent et doivent faire face à d'autres frais qui se profilent à l'horizon, notamment ceux de l'Aïd el Fitr et la rentrée scolaire». Plus loin, et en contrebas du marché de fruits et légumes, les magasins de vente de vêtements commencent d'ores et déjà à installer des présentoirs en métal sur les trottoirs pour attirer l'attention du client. Les deux couleurs dominantes sont le bleu et le rose, celles des tabliers scolaires. Abdenour est père de 5 enfants, tous scolarisés ; nous l'avons rencontré chez Yacine, propriétaire d'un magasin de vêtements. Les négociations étaient avancées sur l'achat de tabliers et autres vêtements en prévision de l'Aïd et de la rentrée scolaire. «Je leur achète une seule tenue. Ils vont la porter le jour de l'Aïd et le jour de la rentrée scolaire. ça coûte trop cher, sans compter les fournitures scolaires qui agrandissent encore la plaie», dit ce père de famille. Et d'ajouter : «Je dois débourser la moyenne de 3000 Da pour chacun de mes enfants pour les fournitures scolaires et les livres. Alors, faites le calcul pour un agent qui perçoit un salaire mensuel net de 22 000 DA. Et il faut compter aussi les autres charges, telles que l'électricité, l'eau, le gaz et la nourriture quotidienne». Même le système «D»ne suffit pas Abdenour et des milliers de personnes comme lui recourent dans la majorité des cas à d'autres alternatives qui peuvent un tant soit peu leur garantir un minimum de dignité. «Après mes heures de travail de 8h à 16h dans une usine de produits laitiers à Cheraga, je rentre chez moi. Je dors une à deux heures et je prends le bus pour Ouled Fayet où je bosse trois fois par semaine comme agent de sécurité avec un salaire de 18 000 Da. Ce qui me permet de gagner 40 000 Da par mois. C'est la seule solution, mais je vous assure que je suis épuisé», nous confie Abdenour. Ce qui n'est pas le cas de beaucoup d'autres, à l'image de Mustapha qui dont la femme travaille comme femme de ménage malgré sa maladie. «Je n'arrive pas à joindre les deux bouts», s'exprime-t-il. Mustapha, 59 ans, est chef d'une famille de huit personnes. Il est fonctionnaire dans une mairie de la wilaya d'Alger. Il touche un salaire net de 26 000 dinars, et ce, après 27 ans de service. La situation de ce fonctionnaire est telle qu'il vit à longueur d'année endetté. Mustapha bricole quand il en a l'occasion. Pour lui, «le mois de Ramadhan est comme les autres mois de l'année, sauf pour l'heure de manger. Idem pour l'Aïd, mes enfants ont perdu les réflexes d'achat de vêtements pour l'Aïd ou la rentrée. Celui qui veut acheter, il n'a qu'à travaille. Je leur assure la nourriture et le toit. Pour le reste, je ne peux pas». Les citoyens rencontrés hier lors de notre virée s'accordent tous à dire que l'Aïd a perdu son charme. La rentrée scolaire est devenue banale. C'est l'avis de Mounir, jeune diplômé au chômage qui est pris en charge, quand il ne bricole pas, par son père ou son frère. «Je connais des pères de famille qui se tiennent le ventre à chaque rentrée scolaire ou à l'approche d'une fête religieuse. L'Etat ne fait rien pour les faibles revenus quand il faut faire face aux dépenses connues durant ces périodes».