La décision de reprise des actifs publics cédés dans le cadre des opérations de privatisation dans le cas où le repreneur ne s'acquitte pas de ses obligations, notamment de paiement, prévue par la loi de finances complémentaire, revêt une importance capitale, selon des spécialistes et des experts en la matière. Il n'est pas exclu dans ce contexte la récupération des entreprises cédées, notamment à des étrangers, à l'exemple du complexe d'El Hadjar, souffrant de la gestion de la multinationale ArcelorMittal. En effet, des experts contactés au sujet de l'adoption de cette mesure de loi de finances complémentaire 2010 soutiennent que les autorités publiques veulent récupérer des actifs qui ont été cédés à des repreneurs, notamment étrangers. Ces derniers, pour des raisons multiples, n'ont pas pu respecter leurs engagements vis-à-vis de l'Etat ou d'autres partenaires sociaux, entre autres le maintien des effectifs, de l'activité et du plan d'investissement. Le communiqué du Conseil des ministres sur l'adoption de la loi de finances complémentaire 2010 a précisé que l'Etat a le droit de «procéder à la reprise des actifs publics cédés dans le cadre des opérations de privatisation, dans le cas où le repreneur ne s'acquitte pas de ses obligations, notamment de paiement.» Cette disposition qui sera clarifiée et expliquée par un texte réglementaire renferme en réalité une démarche d'évaluation des entreprises publiques privatisées, dont certaines jouaient un rôle important dans la vie économique, mais se débattent aujourd'hui dans des situations de crise graves. Pour le président du Conseil national consultatif pour la PME, Zaim Bensaci, l'introduction de cette disposition dans la LFC 2010 est une réponse claire sur l'échec du processus de privatisation des entreprises publiques depuis plus de dix ans. «La privatisation a été faite dans la précipitation. Le but recherché était le désengagement de l'Etat des sociétés publiques sans prendre en compte des mesures de sauvegarde et d'accompagnement. Les cahiers des charges n'ont pas été également respectés par certains repreneurs nationaux et étrangers conduisant dans parfois à l'arrêt des entreprises achetées. Des investisseurs ont été plutôt intéressés par le foncier et le patrimoine immobilier de l'entreprise que par l'activité elle-même», tient à signaler le président du CNC PME, persuadé que la volonté de reprendre des actifs privatisés est légitime, car certaines activités étaient stratégiques, mais faute d'un repreneur sérieux, elles ont fini par disparaître ou accuser un retard énorme. Parmi les entreprises citées par notre interlocuteur, le complexe sidérurgique de Annaba, El Hadjar, fierté de l'industrie algérienne et symbole de développement économique et social du pays, réduit et au ralenti, selon M. Bensaci, alors que l'importation de l'acier en Algérie fait craindre plus d'un. «La question est là. Qu'est-ce qu'à gagner l'Algérie en vendant ses actions dans le groupe El Hadjar ? Nous avons offert toutes les conditions de réussite à la multinationale, y compris le prix de l'énergie. En contre-partie, nous avons constaté que l'usine n'a même pas pu tourner selon les anciennes capacités. Où est l'apport de la privatisation ?» s'interroge le président du CNC. Du même avis, Rédha Amrani, consultant spécialiste de l'économie industrielle, soutient que l'introduction de cette disposition permettant à l'Etat de reprendre les actifs privatisés s'impose, car le bilan sur la privatisation est négatif. Outre le complexe El Hadjar qui a été bradé, il a cité, entre autres, l'entreprise algérienne des gaz industriels achetée par l'opérateur allemand Linde Gas et le groupe Orascom Construction. «L'Algérie voulant soutenir les IDE et l'entrée des grandes sociétés mondiales avait cédé des avantages incomparables et inexistants dans le monde. Mais, en fin de compte, les investisseurs n'ont pas été à la hauteur des attentes des algériens. Personnellement, j'ai défendu ce principe de reprise des entreprises privatisées, car des grandes nations n'avaient pas accepté l'entrée des opérateurs étrangers dans leur économie. Le cas des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne qui ont refusé à des opérateurs arabes et chinois de reprendre des entreprises en faillite est édifiant. Nous n'avons pas de leçon à recevoir en la matière», a estimé l'économiste Rédha Amrani, saluant au passage la mesure prise par l'Etat pour la sauvegarde des entreprises algériennes. Quant à la faisabilité de cette mesure, l'économiste a souligné que toutes les pièces existent au niveau du gouvernement et de l'Agence nationale de développement de l'investissement (Andi), notamment sur les avantages concédés et les engagements pris initialement par les repreneurs. La voie légale est à l'avantage de l'Algérie, même devant les jurisprudences internationales, confie-t-il encore. 477 sociétés privatisées depuis 2003 Selon un bilan non exhaustif communiqué par l'ex-ministre de l'Industrie et de la promotion de l'investissement, Abdelhamid Temmar, le nombre des entreprises publiques privatisées s'est établi à 447 sociétés depuis 2003 jusqu'au premier trimestre de l'année 2008, permettant au trésor public de disposer de 140 milliard de dinars. L'Algérie avait pris option de céder de grandes sociétés, notamment Air Algérie, SNVI, Eniem, SNTA et le Crédit populaire d'Algérie. Mais l'évolution de l'économie mondiale depuis ces trois dernières années a démontré que la privatisation pouvait être fatale au système économique d'un pays, d'où la nécessite de trouver d'autres mécanismes de développement d'un pays loin des principes cardinaux du Fonds monétaire international et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), deux institutions travaillant, selon des économistes, pour la préservation des intérêts privés de cercles d'affaires fermés.