L'ETA a annoncé, dimanche, dans un communiqué vidéo repris par le journal basque Gara, considéré comme sa boîte aux lettres, qu'elle cessait toute activité militaire. Sur un surprenant et inhabituel ton conciliateur, l'organisation armée basque qui est responsable de la mort de 850 personnes, des gendarmes , des policiers mais aussi des civils, en près de 40 ans de lutte armée demande en contrepartie au gouvernement, de faire un «pas ferme» dans le sens d'« un minimum démocratique en vue de parvenir à une solution du problème basque». Dans ce document vidéo, apparaissaient trois personnes cagoulées dont une femme portant le symbolique béret basque, comme à chaque fois que l'ETA devait annoncer une grande décision, dans un sens ou un autre. La pression franco-espagnole La nouvelle a été accueillie, bien entendu, avec soulagement à travers tout le pays et en Europe, mais le gouvernement Zapatero qui a gardé un silence prudent toute la journée de dimanche n'entendait pas visiblement faire dans le triomphalisme. En mars 2006, en effet, la trêve «unilatérale permanente» décrétée par l'ETA n'avait duré que quelques mois. Le président du gouvernement espagnol qui avait adopté la même attitude de prudence suivie de négociations directes entre ses intermédiaires autorisés et des représentants de l'ETA avait qualifié ce processus de dialogue de «long et de très difficile». Il ne sera pas démenti par la suite des événements puisque le 31 décembre de la même année, l'aile dure de l'ETA avait saboté ces négociations en organisant un spectaculaire attentat contre le nouvel aéroport de Madrid où deux Colombiens y avaient trouvé la mort. Le dialogue est officiellement et définitivement clos par le gouvernement. Une lutte sans merci est aussitôt engagée par les services de sécurité espagnols en collaboration avec leurs homologues français et portugais pour traquer tous les membres de l'organisation armée. En trois ans, tous ses réseaux de l'organisation armée basque, en Espagne, en France ou au Portugal, sont démantelés et la hiérarchie militaire décapitée parfois quelques semaines seulement après leur prise de fonction. La pression de Madrid se fera sur les pays d'Amérique latine, le Venezuela, le Mexique, Cuba ou Guatemala où sont établis depuis des lustres des représentants basques à mettre au point ses réseaux bombes. Cédant par moments au sentiment triomphaliste, le président Zapatero et surtout son ministre de l'Intérieur Alfredo Rubalcaba qui a conduit efficacement les opérations conjointes anti-ETA avec la France, n'hésitaient plus à parler aux médias de la «fin proche de la bande armée». Déroute annoncée La déroute de l'ETA a d'abord été politique. En 2003, l'inflexible ex-président josé Maria Aznar, avait fait adopter, grâce à la conclusion d'un pacte national avec les socialistes alors dans l'opposition, une loi interdisant le parti Batasuna considéré come l'aile politique de l'ETA. Tous les membres de cette formation politique, dont le leader Arnaldo Otegui, sont interdits de toutes activités politiques ou de déclaration faisant l'apologie du terrorisme et souvent mis en examen ou emprisonnés. La pression des autorités s'exercera sur les petites formations basques sous la bannière desquelles les sympathisants de Batasuna se présenteront aux élections municipales et régionales. Une pression difficile à supporter par l'aide modérée du parti dissous dont Arnaldo Otegui qui commencera par lancer en début d'année des signes évidents en faveur d'une reprise du dialogue politique avec l'ETA. Le gouvernement avait la certitude de l'essoufflement du nationalisme basque radical. Depuis des mois, pas un seul attentat meurtrier n'avait été commis, signe évident que l'ETA cherchait une sortie de secours. Voire un repli stratégique. C'est ce « piège» que l'on craint aujourd'hui dans les milieux gouvernementaux où l'on se refuse à croire que l'organisation armée basque a définitivement levé le drapeau blanc. Pour les plus pessimistes qui se comptent en grand nombre dans les rangs du Parti populaire, partisan de la solution de fermeté face au terrorisme, la «bande terroriste» doit d'abord déposer les armes. Au gouvernement on partage entièrement cette démarche, sans toutefois oser l'exprimer publiquement pour ne pas humilier l'adversaire et hypothéquer les chances de voir l'ère du terrorisme, longue de quatre décennies, prendre fin durablement. Que sera la réaction du pouvoir central ? Le pouvoir central saura-t-il tenir la perche que lui tend l'ETA ? Quelle formule trouvera-t-il pour apaiser les aspirations radicales du nationalisme basque ? Si tous les basques n'ont pas suivi la voie préconisée par les radicaux, il n'en demeure pas moins que l'idée d'une nation basque souveraine en association avec l'Espagne est largement soutenue, y compris parmi les modérés de cette région autonome. L'idée d'un pays basque indépendant ne fait pas certes recette mais la notion de souveraineté fait encore son chemin. C'est toute la difficulté que doit affronter tout gouvernement central espagnol, de gauche ou de droite d'imaginer une formule de sortie de l'impasse basque. Voilà le défi immédiat lancé par l'ETA au président Zapatero, peut être cette chance que lui donne l'organisation armée basque pour éviter la débâcle des socialistes aux élections générales de 2012 et le retour au pouvoir du PP. La trêve annoncée par l'ETA, si elle devait se confirmer sur le terrain jusqu'à la fin de l'année 2011 sera une grande victoire politique pour le président Zapatero, surtout à un moment où son gouvernement a du recourir à des réformes économiques et sociales des plus impopulaires pour faire faire face à une crise qui dure depuis trois ans. Tous les sondages donnent, aujourd'hui, le Parti populaire vainqueur aux élections générales de 2012. Une chance donc pour le parti socialiste de Zapatero de pouvoir remonter la pente d'autant que l'économie espagnole doit renouer avec la croissance au début de l'année 2011.