Il ne faut jamais se faire prendre aux alentours d'un endroit où un vol a eu lieu la veille. Faouzi L., la vingtaine, est surpris dans une tenue suspecte. Il portait un ballot où des objets volés avaient été trouvés. Cela suffit aux dynamiques éléments de la police judiciaire pour la présentation du suspect par-devant le procureur de la République à El Harrach. Puis c'est le procès. Et celle qui préside les débats est une farouche magistrate, jeune et méfiante. Des débats où l'enjeu est une peine de prison ferme d'un an demandée par une autre non moins farouche parquetière, qui ne parlera pas beaucoup mais qui exigera une lourde peine pour un vol commis dans le périmètre le plus insalubre du pays. La décharge publique d'Oued Smar. Maître Ali Bouzid, le vieil avocat d'El Harrach, est en forme. Il plaide en faveur d'un fouineur de la «mazbala» d'Oued Smar. Et il va plaider juste. Et rôder dans et autour de la décharge publique de la capitale ramène des soucis, des ennuis et même jusqu'en taule. Et la taule à El Harrach, ce sont les hideux «quatre ha» où il ne fait pas bon de se trouver en qualité de détenu, même préventivement. Faouzi L. avait été interpellé par des policiers vigilants et méfiants. Il errait de bonne heure dans une tenue indescriptible, tant ses vêtements étaient sales. La malchance a voulu que, la veille, des vols de cabas en cuir aient été commis par des maraudeurs. Et les seuls témoins qui avaient entrevu ou aperçu les sinistres individus ne s'étaient pas déplacés à la salle d'audience noyée dans une exaspérante humidité faute de climatiseurs fonctionnels. Evidemment, la présidente Selma Bedri n'allait pas poursuivre sa collègue Faïza Mousrati, la représentante du ministère public, qui a pour objectif la poursuite de ce voleur-maraudeur, car sur les PV de police, le voleur ne pouvait être que ce Faouzi L. Ce dernier à beau crier son innocence. En vain ! Les preuves amassées étaient bel et bien là. Le ballot trouvé sur lui en était une. Maître Bouzid, en vieux renard des juridictions, a défié le parquet de ramener à l'audience le produit du vol. «Madame la présidente, la défense n'a aucune raison de ne pas croire Faouzi L. Il avait un ballot, oui. Et dans le ballot il y avait des objets ramassés après de minutieuses recherches dans la vaste et sale décharge publique d'Oued Smar où se trouvent des centaines de chercheurs d'objets récupérables et bons à ramener quelques malheureux dinars», a lancé l'avocat qui n'a pas voulu gêner Bedri, cette magistrate qui prend le risque à chaque audience d'être la plus prudente possible. Mousrati, priée d'effectuer ses demandes, ne va pas au-delà de l'an de prison ferme. Faouzi L. grimace. Il semble déçu de ne pas avoir convaincu et la procureure et la juge. Il est vaincu. Il reste tout de même debout en ayant un œil sur son conseil qui a l'âge de son père. Ce dernier quitte la salle pour le bureau-cabinet, sa retraite, avec le secret espoir que sa plaidoirie pourrait convaincre la présidente redoutée par tous à El Harrach, et une jeune avocate a eu cette réflexion : «Pourquoi devrais-je en vouloir à une magistrate qui condamne, car en fin de compte, ce sont les avocats qui sont bénéficiaires à la suite de l'appel ?»