Les accusations du Monde contre l'Elysée sur la liberté de la presse sont considérées par la majorité comme une déclaration de guerre du quotidien du soir, toujours plus critique de la politique de Nicolas Sarkozy. Le Monde portera plainte contre X pour violation du secret des sources «dans les jours prochains», dit le quotidien dans son édition de mercredi, après l'enquête menée par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) pour identifier l'auteur des fuites dans l'affaire Woerth-Bettencourt. Le Monde désigne directement l'Elysée comme étant à l'origine de cette enquête, même si la Direction générale de la police nationale (DGPN) a disculpé Nicolas Sarkozy en affirmant avoir elle-même demandé à la DCRI d'enquêter. «L'Elysée a violé la loi sur le secret des sources des journalistes», titrait Le Monde à sa une dans son édition de mardi. Dans son éditorial, le journal accusait le pouvoir d'étouffer la justice et la presse, de confondre l'intérêt public avec son intérêt propre et de transgresser une loi qu'il a lui-même écrite et fait voter en 2010. Dans l'édition datée de mercredi, le palais présidentiel est à nouveau pointé du doigt en une du Monde : «Affaire Woerth : la défense de l'Elysée mise en doute», peut-on lire. «Croisade» Cette offensive fait suite à plusieurs escarmouches entre Nicolas Sarkozy et le quotidien, dont le prestige demeure mais dont la diffusion en France baisse d'année en année, pour se situer cette année sous les 300 000 exemplaires par jour. «Le pouvoir est à droite, Le Monde est orienté à gauche, se lance dans un combat avec des accusations assez graves», a dit mardi le ministre du Budget, François Baroin, jugeant sur RTL que Le Monde était en «croisade» contre Nicolas Sarkozy. Avant l'élection présidentielle de 2007, le journal, par la voix de son directeur de la publication de l'époque, Jean-Marie Colombani, avait appelé à voter en faveur de Ségolène Royal. Cet été, Le Monde a accentué ses critiques contre Nicolas Sarkozy, attaquant le Président par le biais des soupçons de trafic d'influence qui éclaboussent le ministre du Travail, Eric Woerth, pour ses liens avec le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt et la politique d'expulsion des Roms. Le 9 juillet, Eric Fottorino, directeur de la publication, écrivait : «Face au doute, la seule réponse efficace est la confiance. Or la confiance n'existe plus (...). Le Président montre son vrai visage en conduisant une politique pour les plus aisés, sans jamais convaincre du contraire par ses actes.» Cinq semaines plus tard, il signait un éditorial titré «L'amour de soi et la haine des autres». «Cette politique de l'humiliation donne une vision dégradante de l'action publique. La France n'est pas un pays raciste. Mais en activant les pulsions du racisme, l'Exécutif bafoue nos principes et nos valeurs», écrivait Eric Fottorino. En parallèle, se déroulent les négociations pour la recapitalisation du Monde, entre la direction du journal et le trio Pigasse-Bergé-Niel. Avant l'été, Nicolas Sarkozy a fait savoir à Eric Fottorino qu'il ne souhaitait pas que Le Monde soit repris par ce trio d'hommes d'affaires classés à gauche. Mais la majorité semble ne plus craindre de se mettre à dos certains médias, lus davantage par les élites intellectuelles que par l'électorat populaire de droite. «Quand on est un journal, même Le Monde, quand on s'adresse à l'Elysée, on n'a pas le droit d'accuser sans preuve», a dit Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP, sur France Info. «Pourquoi un journal comme Le Monde se permet d'accuser sans preuve, pourquoi une telle agressivité du journal Le Monde ?» En déplacement mardi dans le Val-de-Marne, Nicolas Sarkozy lui-même a montré son irritation à l'encontre du quotidien. Interrogé par une journaliste de radio lors d'une visite d'un projet immobilier, le Président s'est refusé à tout commentaire, avant d'ajouter : «Vous travaillez pour Le Monde» ? Durant l'été, un autre média à l'origine de plusieurs révélations dans l'affaire Woerth-Bettencourt, le site internet Mediapart, avait été la cible des critiques de la majorité. Xavier Bertrand avait fustigé «des méthodes fascistes», et le ministre de l'Industrie, Christian Estrosi, avait comparé le site à «une certaine presse des années 30».