Le professeur Mohamed Arkoun, grand islamologue et «passeur» entre les religions, est mort au cours de la soirée du mardi 14 septembre à Paris à l'âge de 82 ans, a annoncé le «curé des Minguettes», Christian Delorme, qui était un de ses proches. Il était professeur émérite d'histoire de la pensée islamique à la Sorbonne et un des initiateurs du dialogue interreligieux. Mohamed Arkoun était né en 1928 à Taourit Mimoun, petit village de Kabylie, dans un milieu très modeste. Après avoir fréquenté l'école primaire de son village, il avait fait ses études secondaires chez les Pères Blancs à Oran, puis avait étudié la littérature arabe, le droit, la philosophie et la géographie à l'Université d'Alger. Professeur émérite de la Sorbonne Grâce à l'intervention du professeur Louis Massignon, rappelle Christian Delorme, il a pu préparer l'agrégation en langue et littérature arabes à la Sorbonne. Il a enseigné ensuite dans plusieurs universités, puis en 1980, il a été nommé professeur à la Sorbonne nouvelle-Paris III, y enseignant l'histoire de la pensée islamique. Là, il a développé une discipline : l'islamologie appliquée. Depuis 1993, il était professeur émérite à la Sorbonne. Il continuait d'intervenir par des conférences dans diverses universités à travers le monde. Mohamed Arkoun était convaincu que l'événement historique de «la parole coranique devenue texte» n'avait pas bénéficié de l'intérêt scientifique qu'il méritait, et que d'immenses chantiers restaient à ouvrir. Pour lui, les «trois définitions de la révélation» : la définition juive, la définition chrétienne et la définition musulmane ne pouvaient pas être dissociées, et leur étude apportait à chacune des éclairages salutaires. Former «la conscience civique» En 2008, il avait dirigé la réalisation de l'histoire de l'islam et des musulmans en France du Moyen-Age à nos jours, un ouvrage encyclopédique auquel avaient participé de nombreux historiens et chercheurs (éd. Albin Michel) qui racontait et expliquait une histoire commune et millénaire. «Le fil directeur, avait-il alors dit, n'est pas seulement de rappeler des faits ou des personnages mais de raconter l'histoire d'un regard, une histoire psychologique et culturelle des relations entre la France et l'Islam». L'objectif est de former «la conscience civique, avec un regard historique critique des deux côtés sur tout ce qui s'est passé», pour aider à ce que le musulman ne soit plus un «utre mais un citoyen à part entière. Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, a rendu hommage dans un communiqué à «ce grand penseur musulman et véritable passeur entre les cultures, qui a toujours plaidé pour une pratique intellectuelle libre où le droit de la pensée doit être respecté». «Convaincu des vertus du dialogue entre le monde musulman et occidental, Mohamed Arkoun a toujours refusé les oppositions simplistes entre cultures d'Islam et d'Europe (...).» Il restera dans les mémoires comme «celui qui a contribué à faire le mieux connaître en France et en Europe l'Islam des lumières», écrit encore Mohammed Moussaoui.