Rares sont les avocats qui peuvent se charger d'un dossier à deux graves délits. Le vol d'un portable et l'outrage à fonctionnaires de police dans l'exercice de leurs fonctions. Ahmed, Ali et Abdelhamid ont commis un vol de portable. Au moment de leur interpellation par des policiers, l'un d'eux sort son portable, forme un numéro et commence par menacer le «rédacteur» du procès-verbal. Mal lui en a pris. Le policier prend la manche. La ligne rouge est franchie. On n'est plus au seul délit de vol de portable. Au tribunal, Derbouchi Saloua n'y était pas allée avec le dos de la cuillère. Elle leur inflige trois ans fermes. Ils interjettent appel. Au Ruisseau, Kharabi, Kouchim et Aït Mesbah, présidente de la... «messe» qui est dite sans «amen». Drôle de débats que la justice prend sur son compte. Les deux frangins, mouillés dans une sombre histoire de vol de portable. Un vol à l'arraché. Ali et Ahmed sont dans tous leurs états. Ils endurent une incarcération dure depuis qu'ils avaient écopé de la lourde peine de trois ans de prison ferme, une peine demandée par le parquet qui a requis pour deux délits : vol à l'arraché et outrage à policiers dans l'exercice de leurs fonctions. Ce dernier délit rudement contesté par les deux avocats des deux prévenus qui avaient été entendus avec beaucoup de sérieux par Mehdi Kouchim, Brahim Kharabi et Faïza Aït Mesbah, ce trio magique qui exergue dans la sérénité surtout depuis le retour, en plein ramadhan 1431, de Kharabi d'une omra enfin réalisée dans les règles de l'art. Et cette destination vers le petit pèlerinage avait conforté le président de la deuxième chambre correctionnelle qu'il ne faisait aucun doute sur l'intégrité de ce père de famille qui traîne derrière lui plus d'un quart de siècle de siège, de parquet et même de responsabilités dans la magistrature. Et cela, les trois prévenus l'ignorent complètement et ignorent surtout que Kharabi - Kouchim et Aït Mesbah forment à eux trois un «écrin» de connaissances de métier, de savoir-faire et de modèle dans leur manière de rendre justice. Les deux frères et leur voisin n'ont jamais su expliquer le méfait (le vol du portable) et surtout l'outrage commis à l'encontre des policiers qui ne faisaient que leur travail. «Vous Si Ali, dites-nous un peu ce que vous vouliez au moment où vous aviez composé un numéro sur votre phone tout en le brandissant à la face des policiers ?», demande le juge, les yeux rivés à la face des trois détenus. «Heu, je... leur...je», lâche difficilement Ali. «C'était là un bluff ou une menace de casser le motard qui venait de vous dresser un procès-verbal ? Voilà où vous en êtes. N'est-ce pas idiot d'avoir eu ce comportement ?» L'avocat de Ali hoche la tête en ayant en sûrement une parade pour réparer les dégâts. Et lorsque Maître Mohamed Djediat a une idée en tête, ce n'est pas pour omettre de l'étaler à la barre. Entre-temps, Ahmed et le jeune voisin Abdelhamid R., 20 ans, auteur du trouble à l'ordre public, se mettent à pleurer. «Non, non, attendez. Ce n'est pas vous qui devez pleurer. C'est la justice. Que croyez-vous donc ? Que la justice n'a rien à faire pour avoir sous les yeux un dossier aussi idiot ?» Le président avait tout résumé. Au fond de la salle, les parents suivaient mais n'écoutaient rien dans ce charabia propre aux juridictions. Juste après l'annonce de la mise en examen du dossier, le papa de Abdelhamid avait lancé : «Est-ce la fin du monde si le p'tit avait traité le motard d'...âne ?» Ridicule aux yeux de ceux qui ne connaissent pas le vocabulaire utilisé par les jeunes Algérois. Et le mot-clé qui revient est effectivement «âne». Il est prononcé pour un oui ou pour un non. D'ailleurs, maître Djediat l'avait souligné. «Il y a même des parents qui l'utilisent en direction de leurs enfants, comme ça, parce qu'il faut bien qu'ils balancent un juron», avait martelé l'avocat de Ali Z. qui a dit son amertume de défendre un jeune ayant fait outrage à un serviteur de la République. «Que voulez-vous, monsieur le président, il faut bien que ces copains soient défendus pour panser les blessures causées par l'incarcération, la détention préventive et le souhait de la défense est qu'elle cesse ce soir», avait presque suggéré maître Djediat que les parents des prévenus-détenus avaient chaudement félicité pour sa sobriété dans son intervention.