Le phénomène de l'insécurité et de la violence urbaine, qui est souvent assimilé à Annaba à celui de l'habitat précaire, est focalisé sur le quartier de la place d'armes, en plein centre-ville, non loin du cours de la révolution. Il est malheureusement vécu avec autant de douleur impuissante par les populations de la «cité» Bengladesh (Oued Edh'hab) et des vieux quartiers de la ville tels que celui de la Colonne et de Béni M'haffer, pour ne citer que ceux-là. La même attitude de méfiance est malheureusement observée à l'égard des autres sites bidonvilles disséminés à travers les quartiers périphériques de la ville et où l'on enregistre les plus forts taux de chômage. On notera que rien n'a, en effet, changé pour les habitants de ces quartiers depuis des dizaines d'années, par exemple, au niveau de la «favela» de Bouhdid, implantée aux portes de la ville et qui compte près de 200 baraques à Hdjar Eddis, qui en abrite à peu près un nombre égal, ou encore à Boukhadra, où le nombre de baraquements dépasse, affirme-t-on, les 500. L'étiquette de quartier chaud est collée, à tort, force est de le reconnaître, si l'on se réfère aux rapports de gendarmerie, très présente sur les lieux et à ceux de la police à la cité Bengladesh, plus qu'ailleurs, où l'on ne se hasarde pourtant pas de jour comme de nuit à force de se l'entendre dire. Située à l'ouest de la ville d'Annaba, la cité des 600 logements constitue une des toutes premières tranches de logements sociaux réalisés à la Plaine Ouest. Entamée au début de l'année 1978, la construction de cet ensemble immobilier que les bônois désignent sous l'appellation péjorative de Bengladesh est achevée en 1981. Cette cité fait partie de la Zhun de la Plaine Ouest qui compte 9 438 logements pour une population de 44 370 habitants, dont elle abrite à elle seule presque les deux tiers. Il est fréquemment rappelé que les habitants des 600 logements qui y ont été «casés provisoirement» sont majoritairement originaires des parties les plus reculées des wilayas de Souk-Ahras, Guelma, Tébessa. Il y a lieu de signaler que la majeure partie de ses habitants fait partie de la forte immigration rurale qui s'est ruée à destination du pôle industriel d'Annaba à partir des années 1970. Ces ruraux déracinés s'étaient initialement installés dans des habitations précaires qui ont progressivement constitué un immense bidonville aux abords de oued D'hab. Se déplaçant avec ces familles, le toponyme de «Bengladesh» commence à désigner cette partie de la Plaine Ouest dans le courant des années 1980. Ce sont particulièrement les conditions miséreuses de ce relogement qui véhiculent encore aujourd'hui l'image négative toujours attachée à ces populations. Une image qui symbolise le saccage de la ville attribué à cette population étrangère à la ville, à ces ruraux mal dégrossis qui sont réputés capables d'abuser de l'espace urbain sans discernement. A cela s'ajoutent les délits commis par certains délinquants sur des gens de passage et exagérément amplifiés par la vox populi qui ont conforté certains esprits retors dans leurs préjugés en ce qui concerne l'insécurité de Bengladesh. Les changements que connaît cette partie de la ville à partir de 1988 apaisent quelque peu la situation. Progressivement cernée par des constructions nouvelles, la cité des 600 logements donne désormais l'impression d'être entrée dans la ville et d'en faire partie intégrante. Il faut dire pourtant qu'aujourd'hui la situation est loin d'être normalisée et la précarité subsiste. Beaucoup d'appartements demeurent occupés par plusieurs ménages, les relogements ayant été peu nombreux et tardifs. Vingt ans après l'installation des sinistrés, la situation demeure alarmante dans les appartements. Certains sont dépourvus des commodités minimales.