Où vont nos médecins ? Telle est la question que les enseignants de la faculté de médecine d'Alger se posent. «Nous avons ouvert les inscriptions pour le concours de résidanat pour la rentrée 2010-2011, mais à ce jour, nous n'arrivons pas à boucler nos listes, c'est ce qui a poussé la direction de la faculté de médecine à prolonger d'encore quinze jours les délais de clôture des inscriptions. Mais le résultat est toujours le même», a-t-on appris hier d'un professeur chargé de conférence à la faculté de médecine. Avant de s'interroger : «C'est à se demander où vont nos médecins, d'autant plus qu'en plus de la promotion sortie cette année, il y avait d'autres promotions, est-ce que nos médecins ne s'intéressent pas à la spécialité ? Notre crainte est de savoir est-ce que nous n'alimentons pas d'autres pays ?» Des milliers de médecins sortent chaque année des universités algériennes. Ils ne sont pas tous embauchés. Ils ne s'inscrivent pas tous au concours de résidanat. Des médecins fraîchement sortis de l'université témoignent à ce sujet. «Je pars le 22 octobre en France. J'ai eu un avis favorable d'une université française», affirme Salim. Hassan ajoute de son côté : «Nous voyons la situation de nos professeurs qui patinent après des années de travail. Nous ne voulons pas avoir le même le sort, d'autant plus que les universités d'outre-mer nous ouvrent les portes». L'un des responsables de la faculté de médecine d'Alger qui a requis l'anonymat nous explique avec un air de désolation : «Quand l'accès au résidanat se négocie en argent ou parce qu'un tel est le fils de médecin ou d'un haut cadre, sans compter le quota réservé à l'armée, je pense que l'étudiant n'a pas à espérer une place dans cet établissement.» Selon le professeur, les élèves de l'école de la santé militaire sont admis d'office, car l'armée a son quota annuel de médecins qui sont admis au résidanat, sachant que le niveau des médecins formés par l'ANP est supérieur par rapport aux autres facultés civiles. Hassan rebondit : «J'ai un ami qui a eu son visa pour la France pour parfaire ses études. Mais après réflexion, il a décidé de rester en Algérie et a voulu s'inscrire à une journée seulement de la clôture des inscriptions au résidanat. Au début, la direction a refusé, avant de décider de la prorogation des délais. Entre-temps, le jeune médecin était contraint de partir en France.» Ces jeunes médecins qui ont opté pour des études supérieures à l'étranger partent en laissant leurs postes dans les établissements publics algériens, sachant que la formation dans ces disciplines est coûteuse pour l'Etat. Interrogé sur le concours, les jeunes médecins sont unanimes : «Le concours n'est qu'une forme administrative pour crédibiliser le résidanat mais les dessous sont tout autres.» Le nombre de médecins algériens résidant et exerçant à l'étranger ne cesse d'accroître d'année en année et il s'agit bien évidemment de nos imminents professeurs. «Trois de mes collègues qui ont le grade de professeur ont quitté le pays pour le Canada», témoigne l'enseignant. Le ministère de la Santé a lancé une vague politique de recrutement de médecins spécialistes, surtout pour les régions des Hauts Plateaux et du Sud, où le pays accuse un énorme déficit.