S'il y a bien une juridiction où le trafic de drogue, la détention ou l'usage sont les malvenus, c'est bien Rouiba, juridiction qui relève de la cour de Boumerdès. Une cour jeune où exercent d'excellents jeunes magistrats, prêts à donner le meilleur d'eux-mêmes, surtout en cette dure période de rentrées, de toutes les rentrées. A la barre, les inculpés sont comme assommés. Sur le pupitre du ministère public, il y a, outre une copie du code pénal, une carte de la loi relative à la prévention et à un paquet des produits psychiatriques en circulation et un paquet que l'on saura plus tard que c'est la plaquette de cachets psychotropes, celle-là même qu'a vue tout le beau monde debout à la barre. Parmi les inculpés, il se trouve qu'il y aura un qui crie à la maladie. Il évoque même le certificat médical. Or, certains juges, surtout les jeunes, ont déjà appris à ne pas s'en laisser conter. Il y a un dossier. Les présidents de section et de chambre travaillent dessus, passant outre à toutes les petites histoires qu'aiment raconter certains inculpés, histoire de chloroformer la justice et ceux qui la servent, y compris les... avocats. Dans le renouvellement de l'appareil judiciaire, il y a de très jeunes juges du siège qui n'ont pas attendu le nombre d'années d'exercice pour émerger au milieu de l'équipe en place. A Rouiba, un jeune juge est en train de faire un tabac à chacune de ses audiences hebdomadaires. La dernière sortie en date aura été cette histoire de détention, d'usage et de commercialisation de stups par deux jeunes à la tête plutôt sympa. Démunis et donc se défendant tous seuls, les deux inculpés, qui risquent, selon le parquet, une grosse peine de prison ferme, ont fortement nié le trafic proprement dit. «Oui, ils nous ont fait signer le procès-verbal mais pas d'une manière propre. Il y avait de la contrainte et le climat avait fait que nous avions fait dans la commercialisation de cachets psychotropes alors que nous avions sur nous trois cachets chacun», a dit Abdelhamid Z., vingt ans. Et voilà que le président allait poser d'excellentes questions. En voilà par exemple une : «Vous, Ahmed, qui prétendez, à la lecture d'un passage du procès-verbal d'audition, être malade, avez-vous un certificat médical ou une copie d'une prise en charge dans un établissement spécialisé ?» Le premier inculpé cherche visiblement une réponse, la plus rapide possible, mais la plus crédible. Le juge l'aide. «Vous n'en avez pas. Bien. Vous, Salah, qu'avez-vous à dire autour de ces inculpations ?», demande gentiment le président. Il allait presque répondre par le fameux : «Comme il a dit lui», mais il s'était confiné dans un éloquent silence. Les dés étant jetés, il ne restait plus au juge qu'à prendre acte des demandes du représentant du ministère public. «Vous n'avez même pas le courage d'être sincères, car vous n'êtes pas en position de dicter la démarche du tribunal qui dispose des preuves mises à sa disposition par le parquet», reprend le procureur, qui brandit les plaquettes de cachets de psychotropes, selon le ministère public, évidemment. Il est vrai que tous ces magistrats cherchent à combattre ce fléau. Mais empêcher de faire dans la jurisprudence, seul volet qui est à même de sauver les meubles car la lutte contre le trafic de drogue ne s'arrête pas à la rédaction de lois, d'ordonnances, souvent floues ou incomplètes.