Des magistrats ont été formés, durant trois ans, afin de maîtriser les dossiers complexes nécessitant des compétences en économie, en comptabilité et, notamment, en informatique. Eu égard aux mutations socioéconomiques que connaît le pays, la spécialisation des juges devient une obligation pour un meilleur traitement judiciaire des nouveaux dossiers qui atterrissaient jusqu'à une date récente devant des juridictions “généralistes”. Ces dernières peuvent, en effet, se prononcer sur les crimes et délits “conventionnels” prévus par le code pénal, mais elles sont dépassées lorsqu'il s'agit de s'attaquer à la nouvelle criminalité, comme le blanchiment d'argent lié au grand banditisme international ou au terrorisme. Annoncée à plusieurs reprises, la spécialisation des magistrats est devenue, depuis ce mardi, une réalité sur le terrain. En effet, Tayeb Belaïz, ministre de la Justice, garde des Sceaux, a inauguré le pôle juridique à compétences étendues du centre du pays et dont le siège est situé au tribunal de Sidi M'hamed à Alger. Pour permettre un meilleur traitement des dossiers sensibles, le département de la Justice a décidé la création de quatre pôles juridiques à compétence entendue. Ces nouvelles juridictions auront à instruire et à juger les affaires liées au blanchiment d'argent, au crime organisé et au terrorisme. Des magistrats ont été formés durant trois ans pour pouvoir maîtriser les dossiers complexes nécessitant des compétences en économie, en comptabilité et en informatique, notamment. Durant les procès des affaires de détournement, les accusés usaient du jargon “bancaire ou économique” pour essayer de s'en sortir. Les tribunaux criminels, “trois magistrats et deux membres du jury issus de la société civile” trouvaient des difficultés à cerner les contours des dossiers et se perdaient dans les dédales du secteur bancaire, “agios, intérêts, crédit, escompte...” Les magistrats, qui siégeront désormais dans les nouveaux pôles à compétence entendue, n'auront plus ce genre de contrainte puisqu'ils auront reçu une formation en économie qui leur permettra de mieux traiter les affaires qui atterriront sur leurs bureaux. Ils ne seront plus obligés de faire appel à des experts à chaque fois qu'ils rencontrent des difficultés inhérentes aux spécificités du secteur économique et bancaire. La formation qu'ils ont reçue leur permettra aussi de mieux interpréter les opérations comptables et de comprendre le processus de transfert d'argent. Les nouvelles technologies sont détournées par le grand banditisme qui a trouvé un moyen de contourner les lois. Les magistrats des nouveaux pôles sont formés aussi pour traquer les opérations de transfert d'argent douteuses. Ces nouvelles juridictions viennent à point nommé car elles seront un plus dans la lutte anti-terroriste. Le grand banditisme international est lié au terrorisme qui “s'autofinance” souvent par la drogue, le racket, le vol à main armée... Et c'est pourquoi, dans plusieurs pays du monde, des juridictions spécialisées sont constituées pour suivre uniquement ce genre de criminalité. L'expérience a prouvé que sans financement, le terrorisme s'éteint et les actions menées en Europe contre les groupes comme Action directe ou la Bande à Bader ont démontré tout l'intérêt de frapper les terroristes là où ça fait le plus mal : le financement. Selon le ministre de la Justice, “l'Algérie a signé la convention internationale qui incite non seulement les pays à travailler ensemble, mais les oblige aussi à légiférer et à installer des structures spécialisées”. Désormais, lorsqu'un crime entrant dans le cadre du grand banditisme international, du trafic de drogue ayant des ramifications à l'étranger du terrorisme, des atteintes au système de transfert de données, du blanchiment d'argent et des infractions relatives à la législation des changes, ce sont ces pôles de juridiction à compétence étendue qui instruiront les dossiers et qui les jugeront dans un deuxième temps. Le ministre de la Justice a rappelé que les trois autres pôles, à savoir Constantine, Ouargla et Oran seront inaugurés au courant de la semaine prochaine. Grâce à ces nouvelles juridictions, l'Algérie entame une nouvelle ère en matière de lutte contre le crime organisé et le terrorisme. Saïd Ibrahim